JusticeUn influent cheikh et des avocats de la place genevoise condamnés dans une affaire de complot
Un tribunal de Genève a condamné à 30 mois de prison, dont la moitié avec sursis, un ex-ministre koweitïen. Lui et des avocats ont été reconnus coupables de faux dans les titres.
Le puissant cheikh Ahmed al-Fahd Al-Sabah, ancien ministre koweïtien et ex-membre du Comité international olympique (CIO), a été reconnu coupable par la justice suisse, vendredi, dans une affaire de faux arbitrage visant à discréditer des adversaires politiques.
Ce membre de la famille royale koweïtienne a été condamné, par le Tribunal correctionnel de Genève, à 30 mois de prison, dont la moitié avec sursis. Quatre autres accusés, dont un assistant du cheikh et trois avocats de la place genevoise, ont également été condamnés à des peines allant jusqu’à 36 mois d’emprisonnement.
Faux arbitrage, faux coup d’État
Ahmed al-Fahd Al-Sabah, ex-ministre de l’Économie et de l’Énergie, a été reconnu coupable de «faux dans les titres». Il lui est reproché d’avoir monté, en 2013, un faux arbitrage, basé sur des enregistrements vidéo falsifiés, dans le cadre d’une machination destinée à apporter la preuve que l’ex-premier ministre du Koweït, le cheikh Nasser Mohammad al-Ahmad Al-Sabah, et l’ancien président du Parlement, Jassem al-Khorafi, étaient coupables de corruption et préparaient un coup d’État.
Le Koweïtien, qui préside actuellement le Conseil olympique d’Asie et la Fédération asiatique de handball, a nié tout acte répréhensible. Présent dans la salle, il est resté assis pendant la lecture du verdict, secouant la tête, un masque anti-Covid sous la barbe. Il a ensuite déclaré aux journalistes qu’il entendait faire appel de ce jugement.
Considéré comme un proche du patron du CIO, Thomas Bach, il avait dû se retirer de l’instance sportive à la suite de sa mise en examen, fin 2018, à Genève. Également ancien membre du Conseil de la Fédération internationale de football, le Koweïtien en avait démissionné en avril 2017, à la suite d’accusations dans une affaire de corruption.
Arbitrage genevois
L’affaire jugée, cette semaine, à Genève a démarré en 2013, lorsque le cheikh Ahmed a remis aux autorités koweïtiennes des vidéos censées montrer que les anciens premier ministre et président du Parlement auraient préparé un coup d’État et détourné des dizaines de milliards de dollars de fonds publics.
Mais la véracité de l’enregistrement a été mise en doute par certains. Les avocats complices ont donc monté une machination tortueuse pour donner de la crédibilité à ces images. Ils ont cédé les droits de diffusion des vidéos à une firme fictive, la société Trekell, dans l’État américain du Delaware, qui a saisi la justice genevoise afin d’obtenir un arbitrage pour déterminer l’authenticité des vidéos.
L’un des avocats complices a alors endossé le rôle d’arbitre et signé une décision affirmant que les vidéos étaient authentiques, en échange du versement de 10’000 francs suisses. Cheikh Ahmed a ensuite tenté d’exploiter cet arbitrage rendu en Suisse pour prouver que les voix entendues sur les enregistrements étaient celles des deux anciens dirigeants koweïtiens. «Tout cela était machiavélique», a déclaré l’avocate de la famille al-Khorafi, Catherine Hohl-Chirazi.
Il avait fait «confiance» à ses avocats
Le Parquet genevois a commencé à enquêter sur cette affaire en 2015, après qu’une plainte pénale y avait été déposée au nom du cheikh Nasser et de Jassem al-Khorafi. L’acte d’accusation a souligné que cheikh Ahmed «a intentionnellement participé à la mise en œuvre d’une fausse procédure arbitrale, en vue de la création d’une sentence arbitrale fictive», et ce «dans le seul but d’améliorer sa position au Koweït».
Durant l’audience, cette semaine, le cheikh Ahmed a déclaré avoir fait confiance à ses avocats et ne pas avoir eu vent de leur machination. Dans cette affaire, le Parquet koweïtien avait annoncé, en mars 2015, ne pas retenir les allégations de coup d’État et de corruption évoquées contre l’ancien premier ministre et l’ex-président du Parlement.