AfriquePour l’ONU, guerre et faim menacent d’emporter le Soudan
Toute la région risque de basculer dans une catastrophe humanitaire, ont alerté les Nations unies, qui manquent de fonds et font face à des obstacles bureaucratiques pour acheminer l’aide.
Au Soudan, depuis le 15 avril, de violents combats opposent l’armée à des paramilitaires, une guerre qui «alimente une urgence humanitaire aux proportions épiques», prévient le coordinateur des Nations unies pour les Affaires humanitaires, Martin Griffiths. «Plus les combats se prolongent, plus leur impact est dévastateur. Dans certains endroits, il n’y a déjà plus de nourriture. Des centaines de milliers d’enfants souffrent de malnutrition sévère et risquent de mourir de façon imminente s’ils ne sont pas soignés.»
Selon le haut responsable onusien, «ce conflit qui s’étend – ainsi que la faim, les maladies et les déplacements de population qu’il entraîne – menace désormais d’emporter tout le pays». À Genève, son porte-parole Jens Laerke a indiqué que l’ONU fait face à deux problèmes: le manque de fonds et les difficultés d’accès à la population – en raison de l’insécurité, mais aussi des nombreux «obstacles bureaucratiques» qui entravent l’acheminement de l’aide.
Un quart des fonds
En conséquence, des containers se retrouvent bloqués à Port-Soudan, où l’ONU a établi son centre logistique, et les Nations unies ne se voient pas attribuer assez de visas pour faire entrer le personnel nécessaire dans le pays. Et l’ONU n’a reçu que 26% des 2,6 milliards de dollars demandés pour financer l’aide au Soudan cette année, soit 666 millions, dont les deux principaux donateurs sont les États-Unis et la Commission européenne.
Or selon l’Organisation mondiale de la santé, 20,3 millions de personnes au Soudan – plus de 42% de la population – souffrent de niveaux élevés d’insécurité alimentaire aiguë depuis juillet.
Hôpitaux hors service
Les maladies (rougeole, paludisme, dengue…) se propagent dans tout le pays et la plupart des gens n’ont pas accès à des traitements médicaux. «Le conflit a décimé le secteur de la santé, la plupart des hôpitaux étant hors service», souligne ainsi Martin Griffiths. La guerre a fait près de 5000 morts, selon l’ONG ACLED. Mais le bilan réel serait supérieur.
L’ONU est particulièrement inquiète face aux informations faisant état de l’utilisation d’enfants soldats. Les humanitaires ont entendu des mères et des enfants raconter que ces derniers sont utilisés comme «arme de guerre pour tuer», a indiqué le porte-parole de l’Unicef à Genève, James Elder. Il se dit aussi «très inquiet pour la sécurité des civils dans l’État d’al-Jazira, car le conflit se rapproche du grenier à blé du Soudan».
Soins insuffisants, camps inexistants
En quatre mois, plus de 4,6 millions de personnes ont été contraintes de fuir les affrontements, dont près d’un million de personnes dans les pays voisins. Depuis le début du conflit, 380’000 habitants ont ainsi fui au Tchad, a rappelé Médecins sans frontières (MSF) vendredi, mais les personnes manquent de tout. «Les soins sont insuffisants, il n’y a même pas assez de camps aujourd’hui pour pouvoir abriter tous ceux qui en ont besoin», a indiqué une responsable pour l’aide d’urgence de MSF, Trish Newport, réclamant une «augmentation massive et rapide de l’aide humanitaire».