Affaire DutrouxJardin-mémorial inauguré à la place de la «maison de l’horreur»
En Belgique, un jardin a été implanté à la place de la maison où Marc Dutroux a séquestré et violé, entre 1995 et 1996, Julie et Mélissa. L’inauguration a eu lieu en présence des pères des fillettes.
Le lieu est associé à des crimes qui ont ébranlé toute la Belgique. Un jardin-mémorial en hommage aux victimes de Marc Dutroux a été inauguré, mardi, à Charleroi, à la place de la maison où ce dernier a séquestré plusieurs fillettes et adolescentes.
À l’angle de la rue étroite où se dressait la «maison de l’horreur», dans le faubourg de Marcinelle, a été érigé un jardin suspendu, surélevé de deux mètres par rapport au trottoir et encadré par deux hauts pignons de maisons d’un blanc immaculé.
Le mémorial, baptisé «Entre terre et ciel», a reproduit sur un de ces murs de briques émaillées une fresque sur laquelle un enfant manie un cerf-volant, qu’il regarde virevolter dans le ciel. Ce dessin figurait depuis des années sur un panneau de bois plaqué sur la maison abandonnée de Dutroux, devenue un lieu de recueillement connu de toute la Belgique. Les familles ont souhaité qu’il soit conservé, a expliqué la Municipalité.
Laisser une «trace du calvaire»
L’inauguration, ponctuée d’une minute de silence, a eu lieu en présence des pères de Julie Lejeune et de Mélissa Russo. Ces deux fillettes de 8 ans avaient été violées et séquestrées dans cette maison en 1995 et 1996, avant que leurs corps soient retrouvés enterrés dans le jardin d’une autre propriété du criminel.
«Merci d’avoir préservé la mémoire des petites par un superbe ouvrage», a salué Jean-Denis Lejeune, soulignant «l’importance de laisser une trace» du calvaire enduré là par les fillettes captives. «Il faut se rappeler que ça a existé et que ça existe toujours», a ajouté le père de Julie à propos de la pédocriminalité.
Paul Magnette, bourgmestre de Charleroi, a retracé l’histoire d’un projet architectural «extrêmement compliqué». La modeste maison en briques rouges de Dutroux a été rachetée par la ville par expropriation judiciaire dans les années 2000, avant que ne germe bien plus tard l’idée d’un mémorial avec «de l’ampleur et du volume», visible depuis les grands axes avoisinants. Le projet a nécessité aussi la destruction de l’habitation voisine.
«Il n’y a pas un Belge qui n’ait pas entendu parler de ces disparitions. C’est un drame d’une portée suffisamment universelle pour qu’il faille le marquer pour l’éternité», a déclaré Paul Magnette. En juin 1995, Julie Lejeune et Mélissa Russo avaient été enlevées dans la région de Liège. Elles ont été découvertes mortes en août 1996, à Sars-la-Buissière, dans le jardin d’une propriété qui a également été détruite l’été dernier.
Deux survivantes
L’enquête a établi que les deux fillettes avaient été séquestrées durant de longs mois dans la cave de la maison de Marcinelle, où elles ont été violées, avant d’être privées de soins et de nourriture, au point d’y laisser leur vie. Le lieu a fait irruption dans tous les foyers belges quand les télévisions ont montré, le 15 août 1996, le criminel y amenant les policiers pour extraire de leur cache deux adolescentes séquestrées, Laetitia Delhez et Sabine Dardenne.
Condamné en 2004 à la prison à perpétuité, Marc Dutroux, qui a aujourd’hui 66 ans, a été reconnu coupable d’avoir enlevé, séquestré et violé six fillettes et jeunes femmes en 1995 et 1996. Sabine et Laetitia, retrouvées deux jours après son arrestation, sont les deux seules de ses victimes à avoir survécu.
Pour le père de Mélissa, «il n’y a aucun apaisement»
Gino Russo, le père de Mélissa, a remercié, mardi, la ville d’avoir accédé à sa «demande expresse» de sauvegarder les caves de la maison, emblématiques à ses yeux des pistes non explorées et des errements de l’instruction, il y a 25 ans. «C’est une clé dans le dossier d’instruction, qui a retenu l’hypothèse d’un séjour des fillettes pendant quatre mois» dans «une citerne à eau aménagée en cache, d’un peu moins de deux mètres sur 1,3».
Ce père meurtri juge «impossible» que Mélissa et Julie aient vécu «106 jours» dans un tel réduit, entre décembre 1995 et mars 1996. «Mon indignation reste entière, il n’y a aucun apaisement.»