ZoologieDes Genevois ont tout compris à la trompe de l’éléphant
Une équipe pluridisciplinaire a identifié 20 mouvements de base qui permettent au pachyderme de presque tout faire avec son appendice nasal.
![Michel Pralong](https://media.lematin.ch/4/image/2024/01/11/ee8c66ba-d9f8-4545-a733-0ee9fe5534f2.png?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=crop&w=400&h=400&rect=0%2C19%2C1104%2C621&fp-x=0.5027173913043478&fp-y=0.41488020176544765&crop=focalpoint&s=4a5cf81557e60798f8117d477cb937c7)
![Comprendre le fonctionnement de la trompe d’un éléphant va permettre de créer des robots aux gestes souples pour mieux manipuler les objets. Comprendre le fonctionnement de la trompe d’un éléphant va permettre de créer des robots aux gestes souples pour mieux manipuler les objets.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/10/039bcee0-e4af-40f0-b717-0d04ce26eb54.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C1000%2C667&fp-x=0.781&fp-y=0.5742128935532234&s=17a6056c702442215327959f54a03d6e)
Comprendre le fonctionnement de la trompe d’un éléphant va permettre de créer des robots aux gestes souples pour mieux manipuler les objets.
UNIGE/Michel MilinkovitchUn éléphant, ça trompe énormément, c’est bien connu. Mais surtout, ça peut faire énormément de choses avec sa trompe: manipuler délicatement un simple brin d’herbe, porter des charges de 270 kilos ou aspirer de l’eau pour ensuite la boire. Mais comment fait-il cela?
Pour le savoir, une équipe pluridisciplinaire de l’Université de Genève (UNIGE), dirigée par Michel Milinkovitch, professeur au Département de génétique et évolution de la Faculté des sciences et chef de groupe à l’Institut suisse de bioinformatique (SIB), a mené l’enquête. Observer l’animal seul ne suffit pas. Il a fallu employer des techniques de capture médicale et d’imagerie médicale.
De Gollum à l’éléphant
Des capteurs réfléchissants ont été placés sur la trompe de deux éléphants d’Afrique du Sud. Les mouvements ont été capturés par des caméras infrarouges placées tout autour d’eux, une technique utilisée au cinéma. Les acteurs enfilent des costumes bardés de capteurs et leurs mouvements sont ensuite reproduits pour créer numériquement des créatures comme Gollum dans «Le seigneur des anneaux» ou les Na’vis dans «Avatar».
![Le professeur Michel Milinkovitch et l’un des éléphants utilisés dans cette étude, devant une caméra infrarouge. Le professeur Michel Milinkovitch et l’un des éléphants utilisés dans cette étude, devant une caméra infrarouge.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/10/77005e00-d7af-4f68-8da0-c569bc1761c4.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C500%2C750&fp-x=0.5&fp-y=0.5&s=9491d3e128346fae2b111086288d43da)
Le professeur Michel Milinkovitch et l’un des éléphants utilisés dans cette étude, devant une caméra infrarouge.
UNIGE Sean HensmanLes mouvements de la trompe d’un éléphant sont extrêmement complexes. Un bras humain a un nombre de mouvements limité par ses articulations, alors que la trompe est flexible sur toute sa longueur, permettant des torsions, des flexions, des allongements, des raccourcissements et des raideurs. Grâce à leur technique d’observation, les chercheurs genevois sont parvenus à comprendre ce mécanisme complexe, des résultats qui sont publiés ce 23 août dans la revue «Current Biology».
Ils ont ainsi découvert que l’éléphant se sert de la combinaison d’environ 20 mouvements de base simples qu’il combine pour créer des comportements complexes. «Lors de la saisie et du maintien d’un objet pour le transport, la trompe présente une flexion localisée qui voyage ensuite de son extrémité vers sa base, tandis que lorsque l’éléphant atteint une cible placée devant lui, il allonge et rétracte des parties spécifiques de sa trompe de manière modulaire», explique Paule Dagenais, chercheuse dans l’équipe de Michel Milinkovitch.
![La modélisation de la trompe lorsque l’éléphant saisit un mince disque en bois. La modélisation de la trompe lorsque l’éléphant saisit un mince disque en bois.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/10/b7667b54-8816-43db-9997-82b80a7953f3.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=7%2C57%2C1188%2C495&fp-x=0.5&fp-y=0.5&s=fa59f79dd2e9724f8f97d8e2d63d9a50)
La modélisation de la trompe lorsque l’éléphant saisit un mince disque en bois.
Laboratory of Artificial & Natural Evolution (LANE)Lorsqu’il saisit un disque en bois léger, l’animal utilise la succion comme force de levage. En revanche, la
succion n’est utilisée que pour sécuriser la position d’un disque plus lourd, tandis que la trompe s’enroule autour de celui-ci pour renforcer la préhension. Lorsque la cible est placée sur le côté de l’animal, la stratégie de préhension des éléphants est très particulière: la trompe forme des segments rigides connectés par des articulations virtuelles donnant momentanément l’impression d’un coude et d’un poignet. Chose étonnante, les chercheurs ont découvert que la vitesse de la trompe, quand elle ralentit en se courbant, suit la même loi mathématique observée sur une main humaine en train de dessiner.
Inspirer des mouvements robotiques souples
Jamais l’anatomie de la trompe n’avait été détaillée si précisément. Et ces résultats n’ont pas qu’une valeur pour l’étude comportementale animale. Ils serviront de base au développement d’un nouveau concept de manipulation robotique souple qui permettrait à ces robots bio-inspirés de détecter, d’atteindre, de saisir, de manipuler et de libérer toute une série de charges utiles et d’objets de formes et de tailles diverses. Encore une fois, la nature inspire la technologie.