FootballQui est Uran Bislimi, le dernier sélectionné de Murat Yakin?
Après avoir joué deux fois pour le Kosovo, le milieu de Lugano a été appelé avec l’équipe de Suisse pour les prochains matches contre Andorre et la Roumanie.
- par
- Valentin Schnorhk Tenero (TI)
Murat Yakin n’en est pas à son coup d’essai. Un petit sélectionné surprise, cela fait parler la presse et rêver le joueur. Bryan Okoh, Kastriot Imeri, Leonidas Stergiou, Mattia Bottani ou encore Jérémy Frick ont eu le droit à leur convocation lors des vingt derniers mois. Aucun d’entre eux n’est pour l’instant revenu, et pour certains, il va presque de soi qu’on ne les reverra plus jamais. Le dernier en date, retenu donc pour les matches de qualification à l’Euro 2024 en Andorre et contre la Roumanie? Uran Bislimi.
Le Bâlois de naissance a été appelé en fin de semaine dernière par Murat Yakin pour pallier (conjointement à Haris Seferovic) le forfait de Breel Embolo. À 23 ans, le milieu du FC Lugano est pour la deuxième fois convoqué avec une sélection helvétique. La fois précédente? C’était avec les M18, en mars 2018, pour un match contre l’Islande. Bref, pas le parcours type de celui qui s’affirme depuis son plus jeune âge comme un international en puissance.
Déjà entraîné par Yakin
Qu’importe, ce n’est pas le premier dans ce cas. Manuel Akanji était sans doute le meilleur exemple d’un développement à la marge. Comme le défenseur de Manchester City, Uran Bislimi a dû passer par la Challenge League pour se frayer un chemin vers le haut niveau. À la sortie des M21 de Bâle, à l’été 2019, il a ainsi signé au FC Schaffhouse. Un club alors entraîné par… Murat Yakin. «Murat le connaît bien, confirme Pierluigi Tami, le directeur des équipes nationales. Il a pu constater la progression qu’il a accomplie.»
Parce qu’entre-temps, Uran Bislimi est devenu un joueur de Super League, au FC Lugano, qu’il a rejoint l’été dernier. Il y a disputé une trentaine de matches, en étant le plus souvent titulaire lors de la deuxième partie de sa saison. Avec deux buts au compteur, c’est sa polyvalence qui a offert beaucoup de possibilités à l’entraîneur Mattia Croci-Torti. Plutôt milieu relayeur de formation, au Tessin, Bislimi s’est parfois retrouvé en deuxième attaquant ou extérieur droit, comme ce fut le cas lors de la dernière finale de Coupe de Suisse (perdue 3-2 par Lugano contre YB). Globalement, son volume de courses et sa capacité à créer du danger dans le dernier tiers se seront signalés.
Sauf que voilà, en était-ce vraiment assez pour être sélectionné? La question mérite d’être posée. Il y a les éléments qui justifient sa convocation: l’équipe de Suisse M21 étant actuellement en stage pour préparer l’Euro à venir à la fin du mois, il n’y avait pas de raison d’aller piocher dans ce réservoir-là. Autrement dit, dans un autre contexte, les Rieder, Imeri, Ndoye ou encore Males auraient sans doute été sélectionnés avant Bislimi.
2 sélections avec le Kosovo
Et puis, il y a les non-dits, les éléments que l’on évite de formuler explicitement. Il faut parler là de la binationalité des joueurs, un thème qui revient régulièrement sur la table. Parce qu’Uran Bislimi compte déjà deux sélections avec le Kosovo, mais en match amical (en novembre 2022). Et en mars dernier, il avait refusé la convocation d’Alain Giresse pour des rencontres officielles. Parce qu’il se voyait un avenir en équipe de Suisse. Au Kosovo, cela n’est pas bien passé.
Murat Yakin a-t-il donc réagi expressément à cette petite affaire en convoquant Bislimi, histoire de le «bloquer» pour la Suisse, ou en tout cas de lui témoigner de manière équivoque sa considération? Possible. D’une certaine manière, il l’a déjà fait: depuis son arrivée à la tête de la sélection, il a retenu plusieurs joueurs binationaux, offrant même quelques minutes à certains, en ne les rappelant plus après, ou alors bien plus tard (Okoh, Imeri, Ndoye, Zeqiri, Stergiou…). Il n’y a là rien de grave. C’est une stratégie de planification. Mais qui n’est morale que si le joueur n’est pas dupé.
Sur le cas Bislimi, pas de doute: il est celui qui a pris la décision de privilégier le maillot suisse au kosovar. «Ce n’était pas une décision contre le Kosovo, mais pour la Suisse», revendique-t-il. Même si Pierluigi Tami a tenu à s’entretenir avec lui: «Je voulais sentir l’identification qu’il pouvait avoir pour le maillot suisse, explique le Tessinois. J’avais besoin de savoir quelle était sa motivation. Et j’ai découvert un bon gars, en plus d’être un joueur qui a eu une progression importante à Lugano.» Quoi qu’il en soit, on ne pourra pas reprocher à Yakin de ne pas préparer l’avenir.