FranceTariq Ramadan de retour devant la justice française
L’islamologue suisse Tariq Ramadan conteste son renvoi pour le viol de quatre femmes devant la cour d’appel de Paris ce vendredi.
La cour d’appel de Paris examine vendredi l’appel de l’islamologue suisse Tariq Ramadan contre son renvoi devant la cour criminelle départementale pour avoir violé quatre femmes, le parquet général ayant requis l’abandon des poursuites pour trois d’entre elles et écarté toute notion d’emprise.
La chambre de l’instruction de la cour d’appel a été saisie par la défense de Tariq Ramadan, 61 ans, qui conteste son renvoi pour le viol de quatre femmes entre 2012 et 2016, ordonné en juillet 2023 par deux juges d’instruction du tribunal de Paris.
La notion d’emprise devrait être au cœur de cette audience qui se tiendra à huis clos vendredi après-midi. Dans ses réquisitions, l’avocat général a demandé que ne soit retenu contre l’islamologue qu’un seul viol aggravé commis à Lyon en octobre 2009 sur une femme surnommée «Christelle».
Incompréhension
Il a écarté l’«emprise» qu’aurait exercée Tariq Ramadan sur ses quatre accusatrices – «Christelle», Henda Ayari, Mounia Rabbouj et une autre femme – qui l’admiraient. Cette notion avait été retenue successivement par le parquet de Paris dans son réquisitoire définitif en 2022, puis par les juges d’instruction.
L’avocat général a, lui, contesté «la mise en place d’un processus d’emprise» par M. Ramadan sur ces femmes. La notion d’emprise, a-t-il souligné, n’est «pas encore à ce jour un standard juridique de notre droit pénal».
Il a néanmoins considéré que les éléments étaient suffisants pour caractériser un viol avec violence sur personne vulnérable concernant «Christelle». Cette lecture du dossier a suscité l’incompréhension des avocats des plaignantes.
«Mode opératoire bien rodé»
«L’emprise est la conséquence de la contrainte créée par le mis en examen sur ses victimes grâce à un mode opératoire bien rodé, et qui constitue bien un des éléments matériels du viol», considère Me Laura Ben Kemoun, qui défend «Christelle» et Mounia Rabbouj avec Me Laure Heinich.
«En ne retenant que le viol «violent» d’une des parties civiles, il replace le viol dans sa vision réductrice, archaïque, balayant le fait qu’un viol puisse être plus complexe que simplement violent», a développé l’avocate.
Au-delà de la notion d’emprise, les faits dénoncés par Henda Ayari sont «bien un viol», a souligné dans son mémoire consulté par l’AFP un de ses avocats, Me Nathanaël Majster.
«Le refuser comme le fait le réquisitoire est une régression notable dans la conception d’un acte de viol faisant d’une femme qui consent à entrer dans une chambre avec un homme celle qui accepte d’avance tous les excès, toutes les violences et toutes les outrances, qu’elles soient désirées ou pas», a-t-il ajouté.
«Un non-lieu total»
«Soit la justice confisque le procès et la parole des victimes, soit la justice permet au contraire la libération de la parole, de la vérité judiciaire», a renchéri le second avocat de Henda Ayari, Me David-Olivier Kaminski.
La défense va de son côté solliciter «un non-lieu total pour Tariq Ramadan», a annoncé Me Pascal Garbarini, l’un de ses avocats. «Non seulement l’emprise n’existe pas mais les faits de viol ne sont pas établis», a-t-il estimé.
Tariq Ramadan avait d’abord contesté tout acte sexuel avec les accusatrices avant de reconnaître des relations sexuelles extraconjugales «de domination», rudes mais «consenties».
L’emprise «bouée de sauvetage»
Pour Ouadie Elhamamouchi, autre conseil de Tariq Ramadan, «l’emprise ne peut pas être vue comme une bouée de sauvetage visant à sauver un naufrage judiciaire eu égard aux multiples mensonges et contradictions de chacune des plaignantes».
«Le charisme d’une personne ne suffit pas à caractériser l’existence d’une emprise», a-t-il ajouté, estimant que la situation des plaignantes «ne (reflétait) aucune emprise».
«Nous sommes extrêmement sereins», a assuré Me Elhamamouchi. En Suisse, le prédicateur a obtenu un acquittement en mai 2023 dans un dossier de viol et contrainte sexuelle remontant à 2008. Le procès en appel doit se tenir fin mai à Genève.