Hockey sur glace: Dans le Jura, on a exploré le hockey au cinéma

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Hockey sur glaceDans le Jura, on a exploré le hockey au cinéma

Suivre les matches du HC Ajoie et du HC Bienne en salle, c’est possible. Une expérience que l’on a testée récemment à Delémont. Reportage.

Julien Boegli Delémont
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Julien Boegli Delémont
La salle, dix minutes avant le coup d’envoi.

La salle, dix minutes avant le coup d’envoi.

JBO

Crier son bonheur dans une salle de cinéma, la pratique est peu courante. On la retrouve pourtant à Delémont et à Bienne où la possibilité d’assister à certaines rencontres à l’extérieur du HC Ajoie et du HC Bienne est offerte au public. Dans ces pièces obscures où il est de bon ton de respecter le silence, Dave Cattin permet à ceux qui le souhaitent de manifester leurs émotions. C’est même conseillé.

Directeur de Cinémont, le Jurassien se décrit comme un grand amoureux de sport. Ancien footballeur amateur, il a occupé le poste de responsable football de la structure sport-études de son canton pendant une décennie. Aujourd’hui à la tête du plus grand complexe cinématographique jurassien, Cattin nous a généreusement ouvert les portes de l’une de ses salles afin de vivre un match de hockey autrement.

Depuis quelques années

Cela fait quelques années que l’établissement delémontain propose ce genre d’événements. D’abord de manière très ponctuelle, lors de grands rendez-vous sportifs comme certaines courses du pilote moto Tom Lüthi, quelques finales de Roger Federer ou encore le fameux match Suisse-France de l’Euro 2021. «J’ai pensé que l’offre pouvait répondre à une demande», nous explique-t-il. Il y a également eu la finale de Coupe de Suisse remportée par Ajoie le 2 février 2020 à Lausanne. «Une de nos premières retransmissions. Là, on a fait salle comble», précise Dave Cattin. «Pour les grosses affiches, on est généralement bondés.»

Plus récemment, les infrastructures de Bienne (à Cinevital) et Delémont ont accueilli la finale des play-off de National League (pour les Seelandais) et le barrage contre la relégation (pour les Ajoulots). «Il nous est arrivé de remplir une deuxième salle et d’attirer près de 400 personnes.» De quelques retransmissions par saison ces deux dernières années, la fréquence est désormais plus régulière.

En cette fin d’année, une salle a été ouverte aux amoureux du HCA pour les matches à Berne (jeudi 21) et à Lugano (samedi 23). «Que des rencontres à l’extérieur, pour ne pas concurrencer directement les clubs, et des duels presque exclusivement fixés le week-end.»

Une ambiance «calme»

Curieux de savoir ce que peut être le hockey au cinéma, on s’est donc laissé tenter par la dernière sortie de l’année de la lanterne rouge de National League au Tessin. Mais avant de vivre cette aventure, on a évidemment voulu préparer le terrain. L’affluence attendue? «Cela dépend un peu des affiches et des derniers résultats de l’équipe. De manière générale, il y a entre 10 et 50 spectateurs», répond le patron delémontain.

En cette veille de Noël et malgré le succès ramené par Ajoie deux jours plus tôt de Berne (3-2 en prolongation), on ne devrait donc pas suivre la partie devant un parterre très fourni. «Une vingtaine de personnes», présage Cattin.

Julien, le technicien

Julien, le technicien

JBO

On sera tout compte fait 23 dans une salle, la plus petite que compte le complexe, d’une capacité maximale de 92 places (capacité de 109 à 368 pour les trois autres). Le profil du public présent? «Plutôt des familles (ndlr: l’établissement offre aussi des salles de jeu et un bowling).» A quelle ambiance doit-on s’attendre? «Calme», ajoute encore Dave Cattin.

On espère donc des buts et une victoire jurassienne pour conclure l’année. Informé de notre présence, Julien, le technicien des lieux, nous accueille lors de notre arrivée vingt minutes avant le coup d’envoi. Il admet que la gestion du multiplexe l’empêche de suivre les rencontres: «Je surveille surtout que tout se passe bien.»

Nul besoin pour lui de jouer les agents de sécurité. «On fait rarement plus de dix entrées. Et il n’y a pas beaucoup de bruit lors des buts. Le cadre est tout de même différent.» La projection l’est également. «Un film est projeté en format DCP (réd.: cinéma numérique). Pour un match, un ordinateur est simplement branché sur le projecteur.»

Salle numéro 3

À l’accueil, deux jeunes hommes se chargent des entrées et du ravitaillement. Un spectateur de hockey consomme-t-il davantage? «De fait, puisqu’il y a deux pauses pour un entracte lors d’un film», nous répondent-ils de concert. Là également, on nous prévient que la soirée sera tranquille, loin de l’agitation de la patinoire.

Salle numéro 3, on y est donc. Dix minutes avant le début du match, une dizaine de personnes ont déjà pris place. Il y en aura le double au premier lâcher de puck. Des personnes venues seules, à deux ou à trois. Une sortie en famille pour certains. C’est le cas de Jean-Michel, de Courroux, accompagné de ses deux grands enfants. «Popeye», c’est comme cela qu’on le surnomme dans le Jura, n’est pas coutumier de ce genre de pratique. «C’est la deuxième fois que je viens. Cela permet de vivre une autre expérience. Avec le son et l’image, l’ambiance est intéressante.»

Jean-Michel, venu avec ses deux enfants.

Jean-Michel, venu avec ses deux enfants.

JBO

Il avait découvert le concept en fin de saison passée, lors des play-out contre Langnau. «On n’était pas beaucoup plus.» Et l’atmosphère lors d’un but ajoulot? «Ça n’exulte pas», assure ce fan de longue date du HCA.

«Inhabituel»

L’ouverture du score jurassienne après 37 secondes confirmera ses propos. La réussite précoce de la lanterne rouge ayant sans doute pris de court tout le monde. Juste intuition. Le 0-2 de Gilian Kohler 140 secondes plus tard laisse cette fois-ci échapper quelques applaudissements et réactions. Pas de quoi pour autant perturber la quiétude régnant dans les salles voisines. Il y en aura également au terme du premier tiers, qui voit Ajoie mener de deux longueurs.

À deux reprises ce printemps lors du barrage contre la relégation à La Chaux-de-fonds, Davy, qui se qualifie de grand suiveur du HCA, s’est rendu au cinéma. Ce déplacement à Lugano constitue ainsi son troisième match. «Face au HCC, la salle était presque pleine. Il y avait un autre enjeu, un autre stress aussi. Et un peu plus d’ambiance, forcément. Assister à du hockey sur un grand écran, c’est inhabituel, cela permet aussi de vivre le match autrement et hors de chez soi», explique ce Delémontain venu seul.

Flora et sa mère Nathalie.

Flora et sa mère Nathalie.

JBO

Nathalie, accompagnée de sa fille Flora, n’avait pas prévu de passer son samedi soir au cinéma. «On pensait aller manger quelque chose en ville», confie-t-elle à la première pause. Elles ont finalement revu leurs plans. «La victoire de Berne jeudi a certainement pesé dans notre choix», ajoute-t-elle. La supportrice de Courtételle est déjà venue avec Flora lors des barrages contre le HCC. «C’était alors plus tendu.»

Scenario frustrant

Peu importe l’enjeu, les émotions demeurent plus mesurées au «cinoche». «On est presque un peu gênées. À la patinoire on se sent plus libres et détendues, on s’exprime plus facilement», développe Nathalie. «L’ambiance était quand même exceptionnelle lors d’un but ajoulot contre La Chaux-de-Fonds», tient à préciser Flora. Pour elles, le cinéma permet d’être plus attentif sur le déroulement du jeu. «Parce qu’à la maison, on se laisse vite distraire par notre téléphone ou on se lève pour faire autre chose. Là, on reste assises et on suit», poursuit Nathalie.

Davy, venu seul.

Davy, venu seul.

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Quelques râlements lors d’une passe ou relance manquée en zone défensive et puis tombe le 0-3 du défenseur Joel Scheidegger, sa première en National League, à la 25e minute. Le parterre s’anime légèrement. On se dit alors que, mine de rien, on a bien choisi notre affiche. La production ajoulote entre parfaitement dans le concept «magie de Noël.»

Ce que la vingtaine de spectateurs ne sait pas encore, c’est que le scénario réserve une fin moins enthousiasmante. Lugano reviendra rapidement à 3-3 puis finira par l’emporter 6-3. On aurait aimé connaître la réaction réservée par la salle à un succès d’Ajoie. On devra se satisfaire de celle générée par un but. On savait le pari osé. Il faudra donc revenir.

Une offre loin d’être rentable

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