47 morts en 2023Marseille: un bain de sang à cause des gangs de dealers
La deuxième ville de France compte 47 morts cette année, selon des chiffres provisoires, dont beaucoup d’ados et au moins quatre victimes collatérales.
47 morts cette année, selon des chiffres provisoires, dont beaucoup d’ados et au moins quatre victimes collatérales: jamais à Marseille le trafic de stupéfiants n’avait fait couler autant de sang. Jeudi, le procureur de la République de Marseille, Nicolas Bessone, dévoilera lors d’une conférence de presse le bilan de l’année 2023 sur les homicides liés au narcobanditisme et décryptera les ressorts d’une «vendetta» entre deux clans qui, si elle semble s’être calmée depuis quelques semaines, a semé la sidération dans la deuxième ville de France.
L’un s’appelle DZ Mafia, l’autre Yoda (sans doute une référence à Star Wars). «90% des homicides liés au trafic cette année sont la conséquence de la vendetta entre ces deux clans qui s’entretuent, et il y en a un qui est en train de prendre l’ascendant sur l’autre», explique à l’AFP Frédérique Camilleri, la préfète de police des Bouches-du-Rhône (département du sud de la France qui comprend Marseille). De sources policières, DZ Mafia semble en effet prendre le dessus. Et, depuis le 13 novembre, Marseille connaît un calme relatif.
Depuis janvier, 47 personnes y ont perdu la vie, selon un décompte de l’AFP. Beaucoup plus donc que les deux précédents «records» de 2022 et 2016, qui avaient fait une trentaine de morts. «Les deux chefs de ces organisations criminelles ne sont pas sur site mais vraisemblablement à l’étranger, de sorte qu’ils sont difficilement neutralisables par les services ou leurs ennemis», explique à l’AFP Dominique Abbenanti, le patron de la police judiciaire de Marseille, voyant là l’explication de «ces conflits (qui) s’éternisent».
Spirale de violence
Dans cette guerre pour les 91 points de deal toujours présents à Marseille, qui peuvent rapporter plusieurs dizaines de milliers d’euros par jour, une nouvelle forme de criminalité est apparue, et un terme: «narchomicide», inventé par l’ex-procureure de Marseille. Les victimes sont de plus en plus jeunes, comme leurs assassins, un phénomène qui se retrouve ailleurs en Europe. Mattéo, tout juste majeur, a ainsi été mis en examen pour l’assassinat d’au moins deux jeunes de 15 et 16 ans début avril.
«Des tueurs à gages dont le recrutement s’effectue via les réseaux sociaux», appuie un enquêteur, sous le couvert de l’anonymat. Ces adolescents venus de toute la France sont attirés par le mirage de l’argent facile. Mais ces «jobbers» se retrouvent souvent piégés dans une spirale de dette vis-à-vis du réseau plus ou moins fictive, de violences voire de torture. Quand ils ne meurent pas. Mi-novembre, un Savoyard de 16 ans qui voulait «charbonner» (vendre dans le jargon) a ainsi été assassiné quatre heures seulement après son arrivée à la gare de Marseille.
«Comme c’est devenu risqué, il faut rémunérer ce risque et, cynisme particulier, c’est moins cher un jeune de 15 ans», observe Jean-Baptiste Perrier, professeur de droit privé et de sciences criminelles à l’Université d’Aix-Marseille. Et «plus on est jeune, plus on est violent», ajoute l’universitaire. On cible donc à l’aveugle un groupe rival pour l’affaiblir, plus qu’une personne en particulier. Une centaine de fusils d’assaut auraient été saisis cette année, souvent gardés près des points de deal à défendre.
Tuée «dans sa chambre, en pyjama»
Résultat pour 2023: un bilan très lourd de quatre victimes collatérales. Un homme de 63 ans atteint fin avril dans un snack, alors qu’il jouait aux cartes. Une mère de 43 ans tuée au pied d’une cité quelques jours plus tard. Ou cette Varoise de 25 ans abattue cet automne dans une voiture sur le parking d’un fast-food.
Et puis il y a la mort de Socayna, une étudiante prometteuse, en septembre. Le «degré ultime» de ces violences selon l’ex-procureure de Marseille. «Ma fille a pris une balle dans la tête dans sa chambre, en pyjama, elle était en train de travailler sur son ordi. Qui peut expliquer ça?», interpelle sa mère, Layla, dans un entretien à l’AFP.
La Crim’ au bord de l’explosion
Ces dernières semaines, plusieurs coups de filet ont eu lieu, notamment début décembre, quand une vingtaine de personnes «susceptibles d’appartenir à la DZ Mafia», selon le parquet, ont été mises en examen et une douzaine écrouées. Dans les couloirs du palais de justice, certains parlent de début de «mexicanisation», d’autres évoquent la Camorra à Naples au début des années 2000. Le procureur de Marseille, Nicolas Bessone, prône lui la création d’un délit d’association mafieuse.
«La criminalité n’est pas hors de contrôle, mais ça n’est pas sous contrôle non plus», estime Jean-Baptiste Perrier. Reste que la machine judiciaire et policière s’emballe. Et la célèbre Crim’, la brigade anti-criminalité, est en grande souffrance. «J’ai beaucoup d’arrêts maladie récurrents en lien avec le stress et la pression de toutes ces affaires», admet le patron de la police judiciaire.
Les familles de victimes aussi demandent des comptes. «Il faut vraiment un plan d’urgence, que ça devienne une cause nationale» et «qu’on intervienne au niveau des douanes mais également au niveau du renfort en magistrats, de renforts en policiers, et qu’il y ait des résultats», insiste Karima Meziene, avocate et membre du collectif des familles.
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