Japon: Pour survivre, des lignes ferroviaires font preuve de créativité

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JaponPour survivre, des lignes ferroviaires font preuve de créativité

Face au dépeuplement des campagnes, de petites compagnies ferroviaires se réinventent, à l’image de la société privée Choshi Electric Railway.

Assis aux commandes d’un vieux train à deux wagons seulement, Katsunori Takemoto enfile ses gants blancs et vérifie des jauges d’un autre temps avant de lancer sa locomotive le long de champs de choux à Chiba, à l’est de Tokyo. Les lignes ferroviaires déficitaires sont légion dans le Japon rural, victimes de la dépopulation, des voitures, du transport de marchandises par camion et de la pandémie dernièrement.

Mais grâce à un marketing astucieux, la petite compagnie privée Choshi Electric Railway, qui exploite une seule ligne dans une zone excentrée du département de Chiba, a été rentable sur son dernier exercice 2021-2022 (à cheval sur les deux années calendaires), tout en contribuant à la promotion du tourisme local. «Je suis convaincu que c’est la mission de tous les trains locaux. Nous voulons servir de véhicules publicitaires pour les communautés», explique à l’AFP M. Takemoto, le président de cette modeste compagnie ferroviaire fondée il y a un siècle et qu’il a reprise en 2011.

«Les localités sans train dépérissent. Donc, la redynamisation des trains ruraux doit se faire dans le cadre de la revitalisation des communautés».

Katsunori Takemoto, président de Choshi Electric Railway.

L’abondance des lignes rurales est l’héritage du boom économique japonais dans les décennies après la Seconde Guerre mondiale, mais elles n’ont pas réussi à résister à l’exode des jeunes vers les villes.

«Nous avons fait le maximum»

Selon le ministère des Transports, 91 des 95 petites compagnies ferroviaires du pays, desservant des zones éloignées des centres urbains ou des grands axes de communication, ont été dans le rouge en 2021-2022. Cela contraste fortement avec la rentabilité des lignes urbaines et des lignes à grande vitesse (shinkansen), comme celle reliant Tokyo et Osaka, la grande métropole de l’ouest du pays.

Souvent, les grandes compagnies ferroviaires japonaises puisent dans les bénéfices qu’elles dégagent dans les zones urbaines pour subventionner leurs services dans les zones rurales. Mais le géant East Japan Railway (JR East), qui transporte 13 millions de passagers par jour à Tokyo et dans l’est du Japon, semble perdre patience.

Le groupe a perdu 68 milliards de yens (près de 478 millions d’euros) en 2021/22 pour maintenir à flot 66 tronçons en zone rurale particulièrement déficitaires, et estime avoir «fait le maximum» pour augmenter leur fréquentation et réduire leurs coûts. «Le fait est qu’il existe des zones où le train n’est pas le meilleur mode de transport», a estimé l’été dernier Takashi Takaoka, un dirigeant de JR East.

Tout le monde n’est pas du même avis. Les gouverneurs d’environ la moitié des 47 départements du Japon ont remis cette année une pétition au ministère des Transports, avertissant que la suppression des lignes rurales mettrait en danger le tourisme et entraînerait des dépenses pour l’acquisition de bus, par exemple. Selon des experts, le changement est toutefois inévitable à long terme et des innovations comme les véhicules autonomes seront nécessaires face au vieillissement démographique accéléré du Japon, dont plus de 29% de la population est âgée de 65 ans et plus, un record mondial.

Trains hantés et catcheurs

En attendant, des lignes comme celle de M. Takemoto doivent se montrer créatives pour tenter de résister. Choshi Electric Railway tire désormais 80% de ses revenus d’activités non ferroviaires, notamment la vente de biscuits salés imbibés de sauce soja ou de soufflés au maïs. M. Takemoto fait une promotion agressive de sa ligne à la télévision, plaisantant sur sa compagnie à court d’argent sur le mode de l’autodérision. Son entreprise s’est associée à des vedettes de la pop, des comédiens et des youtubeurs pour rester sous les projecteurs.

Son entreprise a également organisé des événements spéciaux comme des «trains hantés» et des combats de catch où les lutteurs s’affrontaient dans les wagons et sur les quais des gares devant des passagers hilares.

«Ironiquement, nous devons nous concentrer sur les services non ferroviaires pour faire rouler les trains»

Katsunori Takemoto, président de Choshi Electric Railway, déplore la situation.

«Le temps viendra peut-être où notre service comme entreprise ferroviaire ne sera plus nécessaire (…). Nous sommes battus, cabossés et couverts de rouille. Mais nous croyons qu’il y a encore beaucoup de choses à faire et nous devons continuer à aller de l’avant».

(AFP)

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