Putsch au NigerSommet crucial de la Cédéao après l’échec de l’ultimatum
Un sommet crucial s’ouvre jeudi matin à Abuja. La Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest dit privilégier la voie diplomatique pour restaurer l’ordre constitutionnel au Niger mais un recours à la force n’est pas exclu.
Les dirigeants des pays d’Afrique de l’Ouest opposés au coup d’État au Niger se réunissent jeudi à Abuja pour un sommet crucial, après l’échec de leur ultimatum aux militaires qui ont pris le pouvoir.
«D’importantes décisions» sont attendues lors de ce sommet, a prévenu mardi la Communauté économique des États d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), qui a réaffirmé privilégier la voie diplomatique pour restaurer l’ordre constitutionnel au Niger, tout en maintenant sa menace d’un recours à la force.
La Cédéao, par la voix du Nigeria qui assure la présidence tournante de l’organisation, s’exprimait pour la première fois depuis l’expiration dimanche soir d’un ultimatum de sept jours lancé aux militaires pour rétablir le président Mohamed Bazoum dans ses fonctions.
Or les nouveaux maîtres du Niger ont semblé jusqu’ici fermés aux tentatives de négociations de la Cédéao. Ce qui fait craindre que le sommet de jeudi matérialise la menace d’intervention militaire, aussi redoutée que critiquée dans la région. Mardi encore, une délégation conjointe de la Cédéao, de l’Union africaine (UA) et des Nations unies avait tenté de se rendre à Niamey. En vain, les putschistes leur barrant la route en invoquant des raisons de «sécurité».
Gouvernement de transition?
L’échec de cette visite s’ajoutait à un autre signe de défiance des nouveaux dirigeants nigériens: la nomination lundi d’un Premier ministre civil, Ali Mahaman Lamine Zeine, qui semble être la première étape vers la désignation d’un gouvernement de transition.
Seule éclaircie à la veille du sommet, une rencontre mercredi soir à Niamey entre le nouvel homme fort du Niger, le général Abdourahamane Tiani, et l’ex-émir de l’État nigérian de Kano Sanusi Lamido Sanusi, un proche du président du Nigeria Bola Tinubu. «Nous sommes venus en espérant que notre arrivée va ouvrir la voie à de vraies discussions entre les dirigeants du Niger et ceux du Nigeria», a déclaré l’ex-émir, précisant cependant ne pas être un «émissaire du gouvernement» nigérian.
En marge de ces tentatives diplomatiques, les chefs d’état-major de la Cédéao se sont réunis vendredi à Abuja, où ils ont défini les contours d’une possible intervention militaire. C’est donc un sommet crucial pour l’Afrique de l’Ouest qui s’ouvre jeudi matin à Abuja. S’envolant pour la capitale nigériane mercredi soir, le président de Guinée-Bissau Umaro Sissoco Embalo a affirmé que «le seul président» reconnu au Niger est le président Bazoum. «Les coups d’État doivent être bannis», a-t-il ajouté, estimant que la Cédéao, dont son pays et le Niger font partie, jouait son existence après les putschs dans trois autres États membres (Mali, Guinée, Burkina Faso; suspendus de ses instances dirigeantes) depuis 2020.
De leur côté, le Mali et le Burkina Faso ont affiché leur solidarité avec les militaires du Niger. Ils ont affirmé que si le pays était attaqué par la Cédéao, ce serait «une déclaration de guerre» pour eux. Mardi, ils ont adressé des lettres conjointes à l’ONU et à l’UA en appelant à leur «responsabilité» pour empêcher «toute intervention militaire contre le Niger dont l’ampleur des conséquences sécuritaires et humanitaires serait imprévisible».
Soutiens occidentaux
Dans ses efforts pour rétablir le président Bazoum, la Cédéao peut quant à elle compter sur le soutien des puissances occidentales, en premier lieu les États-Unis et la France qui avaient fait du Niger un pivot de leur dispositif antijihadiste au Sahel.
Les États-Unis ont exprimé mercredi leur inquiétude à propos des conditions de détention du président Bazoum, détenu depuis le coup d’État du 26 juillet dans sa résidence présidentielle. La numéro deux de la diplomatie américaine était venue lundi à Niamey pour rencontrer les auteurs du coup d’État, réunion à laquelle n’avait pas participé le général Tiani. Elle n’avait pas non plus rencontré M. Bazoum. Les discussions «ont été extrêmement franches et par moments assez difficiles», avait-elle reconnu.
La France, ex-puissance coloniale régulièrement vilipendée lors de manifestations en Afrique de l’Ouest, a fait savoir mardi de source diplomatique qu’elle appuyait «les efforts des pays de la région pour restaurer la démocratie» au Niger.
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a lui aussi dit sa préoccupation, exigeant la libération de Mohamed Bazoum et dénonçant «les déplorables conditions dans lesquelles vivraient le président Bazoum et sa famille».
Depuis l’arrivée des militaires au pouvoir, la France a suspendu les accords de coopération militaire avec Niamey. Les militaires nigériens ont, eux, dénoncé la semaine dernière ces accords, ce que Paris a rejeté, au motif que ceux-ci avaient été signés par les autorités nigériennes légitimes. Mercredi, les militaires ont accusé Paris d’avoir violé dans la matinée l’espace arien nigérien, fermé depuis dimanche, avec un avion de l’armée française venu du Tchad, et d’avoir «libéré des terroristes». Des accusations aussitôt démenties par la France.