Et si tu apprenais en jouant, petit viking?

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Jeux vidéo & histoireEt si tu apprenais en jouant, petit Viking?

Avec l’arrivée du «Discovery Tour» pour «Assassin’s Creed – Valhalla», Ubisoft peaufine une riche idée implantée dans l’épisode sur l’Égypte antique.

Jean-Charles Canet
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Jean-Charles Canet

Pour tout dire, l’idée de gamifier un projet pédagogique nous a longtemps laissé sceptique tant le jeu vidéo et l’apprentissage conventionnel nous semblaient deux activités non seulement à l’opposé du spectre mais impraticables. Trouver de l’intérêt – et donc du plaisir – à apprendre est une récompense suffisante pour qu’on puisse se passer de vaines tentatives de marier l’immariable, croyait-on.

Le projet Discovery Tour, entamé par Ubisoft avec le jeu «Assassin’s Creed – Origins» (2017) puis «Assassin’s Creed – Odyssey» (2018) est venu ébranler notre sens de l’ordre qui peut se résumer dans l’adage «chacun à sa place et les vaches sont bien gardées». Il s’est encore un peu plus fissuré avec un nouveau module intégré tout dernièrement à «Assassin’s Creed – Valhalla» (2020). Ce Discovery Tour est gratuit si on possède déjà le jeu et se pratique en parallèle de la partie purement ludique. Il sera aussi proposé en 2022 sous la forme d’un module autonome (PC, consoles de jeux et service de gaming dans le Cloud), pour un prix modeste, une vingtaine de francs.

Expertise à exploiter

Pour relever ce défi, l’éditeur de jeux vidéo, français d’origine, a fait preuve d’un solide bon sens. Chacun des épisodes de sa célèbre franchise se plaçant dans un contexte historique précis, il fallait introduire une certaine crédibilité. Le studio a donc fait appel à des historiens. L’idée d’exploiter un peu mieux cette expertise, soutenue notamment par Maxime Durand, actuel «directeur de la conception de l’Univers» chez Ubisoft Montréal, a donc germé à l’époque d’«Assassins Creed – Unity» (2014) qui plaçait son action au cœur de la Révolution française. Quelques années plus tard il s’est concrétisé avec l’épisode situé dans l’Égypte des pharaons.

Le principe? On garde le monde ouvert créé pour le jeu, on élimine les combats, les difficultés (les chutes ne sont plus mortelles), les montées en puissance via la récolte d’armes, d’objets ou de compétences mais on laisse la population vaquer à ses activités et on introduit des points pédagogiques çà et là, organisés à la façon d’un musée à ciel ouvert ponctué de points d’intérêts (textes illustrés à vocation pédagogique) .

Narration et quêtes

Les concepteurs du Discovery Tour – Viking Age associé à «AC — Valhalla» sont allés un peu plus loin: le musée interactif est bâti sur une narration et diverses quêtes implantées. On y incarne tantôt un marchand viking ou sa femme qui décident de migrer, un ecclésiaste anglo-saxon et un monarque qui parvient à convertir au christianisme un chef viking adversaire.

Présentation du Discovery Tour

Ubisoft

Les fiches associées aux points d’intérêt géographique développent tantôt des aspects historiques majeurs, tantôt des aspects liés à la vie quotidienne, aux coutumes et aux rites. Des points plus spécifiques s’attardent sur les recherches effectuées pour le jeu à proprement dit et les inévitables sacrifices de la réalité historique sur l’autel du gameplay. On y démonte aussi quelques idées reçues, notamment celle qui affuble aux Vikings un casque à corne. On y apprend quand et pourquoi est née cette représentation erronée. La consultation des fiches est laissée à la discrétion de l’élève-joueur mais le déblocage de nouveaux personnages (notamment) récompense les assidus.

Un final mythologique

Après avoir parcouru l’ensemble des territoires fléchés et des quêtes proposées, ce Discovery Tour augmenté nous laisse dans les mondes de Jotunheim et d’Asgard, soit l’au-delà mythologique scandinave superbement imaginé et représenté. Dépourvu de toute prétention à l’exhaustivité, ce voyage dans les ruines d’un empire romain quelques centaines d’années après son effondrement est graphiquement fascinant (le moteur du jeu reste impressionnant).

Forcément lacunaire, ce voyage dans un occident judéo-chrétien encore balbutiant mais conquérant (et bientôt triomphant) offre au moins une perspective sur un choc des civilisations. Il a en outre l’élégance de proposer deux interprétations équilibrées: le point de vue chrétien et le point de vue viking encore trop souvent réduit par le camp vainqueur à des hordes de pillards assoiffés de sang.

«Viking Age» propose un contexte historique et géopolitique autrement plus nuancé, grâce (ou malgré, question de point de vue) une gamification plus poussée. C’est n’est pas le moindre de ses exploits.

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