Recul des libertés durant la pandémie«La France a été le pays qui a pris les mesures les plus dures en Europe»
Alors que le parlement français a voté la fin des régimes d’exception liés au Covid-19 pour le 1er août, certains députés estiment que les libertés individuelles ont été rognées trop longtemps.
Au nom de l’impératif sanitaire, les Français ont accepté pendant deux ans et demi de pandémie un recul de leurs libertés, exagéré pour certains qui veulent pouvoir désormais mieux débattre du sujet.
«Stress test»
A la suite du vote du Parlement, le 1er août prendront officiellement fin les cadres juridiques d’exception – état d’urgence, gestion de la crise sanitaire – qui avaient été décidés face à la catastrophe sanitaire. Après un dernier feu vert donné samedi par le Conseil constitutionnel, le gouvernement ne pourra plus imposer qu’un test négatif de dépistage au Covid à l’embarquement en direction du territoire français et pour les voyages outre-mer, dans des cas bien précis.
Depuis mars 2020, 13 lois ont été votées par le Parlement, donnant au Premier ministre des pouvoirs qui se sont traduits par des confinements, couvre-feu, pass sanitaires et vaccinaux, etc. «On s’était progressivement habitué à être une société d’individus libres, nous sommes une nation de citoyens solidaires», lançait fin 2020 le chef de l’Etat Emmanuel Macron pour justifier ces restrictions. Le covid-19 a été un «stress test» pour l’Etat de droit partout dans l’UE, analysait un rapport de l’Assemblée nationale en octobre 2021.
«Pas étonnant»
«En Europe occidentale, la France a été le pays qui a pris les mesures les plus dures», analyse aujourd’hui Raul Magni-Berton, politologue à Sciences Po Grenoble. En disposant d’une large majorité, le gouvernement a pu facilement imposer des décisions de façon unilatérale et «il n’est pas étonnant qu’on abandonne l’état d’urgence au moment où (il) ne jouit plus que d’une majorité relative», estime-t-il. Même s’il entérinait déjà la disparition du cadre permettant la mise en oeuvre de mesures d’exception, le texte finalement voté par le Parlement est bien différent de ce qu’avait prévu le gouvernement initialement.
Les oppositions de droite et de gauche ont rejeté un possible pass sanitaire aux frontières, de ou vers l’étranger, mais aussi entre l’Hexagone, la Corse et les outre-mer avant qu’un compromis entre députés, sénateurs et gouvernement ne soit finalement trouvé. Selon Pacôme Rupin, ex-député LREM qui s’était opposé au pass vaccinal, les libertés ont été rognées trop longtemps: «au début de la crise sanitaire, il était normal de prendre des dispositions très fortes mais, à partir du moment où on connaissait mieux le virus, il fallait lever un certain nombre de contraintes».
«Clauses de revoyure»
«On a eu très peu de débats sur la question des libertés individuelles, clairement on a fait passer la santé avant tout», observe-t-il. D’autres députés sont plus nuancés: «On a toujours essayé de corriger les mesures en fonction de l’évolution de la situation sanitaire», lance Sacha Houlié, président Renaissance (ex-LREM) de la commission des Lois, rappelant qu’un certain nombre d’amendements ont été déposés pour rouvrir les jauges ou revoir la durée de fermeture de certains lieux.
Mais que se passera-t-il à l’avenir? Avec le député LR Philippe Gosselin, il a rendu en décembre 2020 un rapport proposant des «contre-pouvoirs» renforcés en cas de crise majeure. «La tentation pourrait être de vouloir mettre tout le monde sous cloche, c’est un risque sérieux dont il faut se prémunir», estime Philippe Gosselin. La pression étant désormais «retombée», il souhaiterait le lancement d’une discussion collective sur «ce qui pourrait servir de cadre à un futur état d’urgence sanitaire ou énergétique». «Décidons-en maintenant», en prévoyant par exemple des clauses de revoyure, plaide-t-il.