FranceRetraites: une 14e, et peut-être ultime, journée de mobilisation
Les autorités françaises attendent mardi entre 400’000 et 600’000 manifestants sur 250 points de rassemblements, dont 40’000 à 70’000 à Paris.
Deux jours après la publication des premiers décrets d’application de la réforme des retraites, et à l’avant-veille d’une tentative mal engagée de porter un coup politique à la réforme à l’Assemblée, les syndicats appellent à une 14e journée de mobilisation aux allures de chant du cygne.
Les organisations syndicales se montrent prudentes quant à la participation des salariés à cette nouvelle journée de protestation. «Ça ne sera pas du niveau des plus hautes mobilisations», anticipe Céline Verzeletti, secrétaire confédérale CGT. «Il y aura peu de grévistes», en tout cas dans l’Éducation nationale, reconnaît Benoît Teste (FSU), évoquant une «fin de cycle».
Les autorités attendent entre 400’000 et 600’000 personnes sur 250 points de rassemblements, dont 40’000 à 70’000 dans la capitale. Le trafic SNCF sera «très légèrement perturbé» avec «neuf trains sur dix» en moyenne, et il sera «normal» en Île-de-France sur l’ensemble du réseau de la RATP. Un tiers des vols seront annulés au départ de Paris-Orly.
Si l’intersyndicale affirme ne pas «tourner la page», certains semblent avoir acté sa défaite. «Bien sûr que le texte s’appliquera le moment venu», a affirmé la semaine dernière le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, qui quittera ses fonctions le 21 juin.
À Paris, la manifestation partira des Invalides à 14 h 00 vers la place d’Italie. Les syndicats tiendront leur point presse devant l’Assemblée nationale, marquant symboliquement le lien avec la journée de jeudi, au cours de laquelle sera examinée une proposition de loi du groupe Liot visant à abroger la réforme.
Avec 14 journées de grèves et de manifestations au compteur, le mouvement, qui a réuni à plusieurs reprises plus d’un million de manifestants selon la police, égale désormais en nombre de journées d’action celui de 2010.
Cela n’a pas suffi à ébranler l’exécutif, qui a usé avec la majorité de tous les outils constitutionnels à sa disposition pour faire passer son projet. Deux premiers décrets d’application de la réforme sont parus dimanche au Journal officiel, dont celui portant progressivement l’âge légal de départ à la retraite de 62 à 64 ans.
Jeudi, la présidente de l’Assemblée Yaël Braun-Pivet devrait dégainer l’article 40 de la Constitution – qui interdit aux parlementaires de déposer des amendements ayant pour effet de diminuer les ressources ou d’aggraver les charges publiques – pour déclarer irrecevables des amendements visant à restaurer l’article-clé de la PPL Liot, supprimé en commission des lois.
«Scandale démocratique»
«Si le gouvernement invoque l’article 40, ce sera un pur scandale démocratique», a dénoncé dimanche la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, «très inquiète de la montée de l’extrême-droite».
Dans une tribune publiée lundi dans Le Monde, la gauche et les députés Liot ont appelé Yaël Braun-Pivet à laisser vivre la PPL, invoquant le risque d’un «accroissement de la colère et de la violence». Le débat doit se tenir «dans le cadre démocratique et le respect de la Constitution», a de son côté affirmé le président de la République Emmanuel Macron, en marge d’un déplacement au Mont-Saint-Michel.
L’intersyndicale, qui n’a pas prévu de se réunir mardi soir, n’a pas encore fait connaître sa stratégie en cas d’échec de la PPL Liot. «Les suites dépendront du niveau de la mobilisation mardi et du vote le 8 juin», a déclaré Sophie Binet, assurant que «rien n’est écrit d’avance pour la CGT». Celle qui a pris la suite de Philippe Martinez a fait savoir que son syndicat traquerait toute «faille juridique» pour attaquer les 31 décrets. Le président de la CFE-CGC, François Hommeril, a lui aussi pointé lundi sur France Inter des décrets «peu cohérents, mal écrits», qui pourraient donner lieu à des contestations juridiques. «On restera dans l’opposition à cette loi, et on fera tout ce qu’il faut pour qu’elle ne s’applique pas», a-t-il assuré.
Soucieuse de maintenir son unité au-delà de la réforme des retraites, l’intersyndicale a commencé à travailler à des propositions communes, passant d’une posture «défensive» à une attitude plus «offensive», selon Simon Duteil (Solidaires). Elle a élargi son mot d’ordre de manifestation, appelant à se mobiliser pour «gagn(er) le retrait de la réforme» et «obten(ir) des avancées sociales».
Le gouvernement prévoit de son côté la tenue mi-juin d’une réunion multilatérale, soit à Matignon, soit à l’Élysée, avec les syndicats et le patronat. Le pays doit «continuer d’avancer», a déclaré Emmanuel Macron lundi.