Procès de l’attentat de Nice«J’ai pas connu ce monstre du 14 juillet», assure une ex-relation de l’assaillant
Le procès de l’attentat de Nice se poursuit. Deux anciennes conquêtes de l’assaillant ont témoigné et affirment avoir connu un homme «sympathique et souriant».
Au procès de l’attentat de Nice, la cour a exploré vendredi le double visage de l’assaillant, qui s’était montré «sympathique» et «souriant» avec deux anciennes conquêtes, sans trace de la propension à la violence décrite par d’autres membres de son entourage.
Le 14 juillet 2016, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, Niçois de 31 ans de nationalité tunisienne, avait fait 86 morts au volant d’un camion-bélier sur la Promenade des Anglais avant d’être abattu par la police. «Moi j’ai pas connu ce monstre du 14 juillet, j’ai pas connu ce barbare, j’ai connu quelqu’un de complètement différent», assure E., 55 ans aujourd’hui, témoignant par visio-conférence. Cette femme aux cheveux bruns tirés en queue de cheval, en top bleu clair, avait rencontré l’auteur de l’attentat lors de cours de salsa dans une salle de sport et l’a fréquenté plusieurs mois en 2014, avant de le «perdre de vue». Elle le décrit comme «gentil», «agréable», «toujours souriant». «Il ne s’énervait pas», affirme-t-elle.
Bras croisés, se frottant parfois le front, gênée, E. répète, comme pour s’excuser: «Honnêtement, je me rappelle pas, vous savez, ça fait six ans, c’est loin». Elle concède qu’il pouvait se montrer «lourd», et était très dragueur. «Il proposait à tout le monde» d’aller dans des saunas, des boîtes échangistes, «c’était son truc». Après l’avoir recroisé par hasard fin juin 2016, ils reprennent leurs échanges de messages et se revoient une fois, le 3 juillet. «Il avait changé physiquement», remarque-t-elle. «Il avait maigri, il avait blanchi des tempes», et avait mis cela sur le compte de son travail «épuisant» de chauffeur-livreur. Elle lui fait remarquer sa «petite barbe naissante», il lui répond que c’est «à la mode». Mais rien ne détonne dans son comportement. «Pour moi, c’était quelqu’un de tout à fait normal».
La cour lui lit d’autres témoignages évoquant un homme «pervers», «perturbé», qui «pouvait se montrer très agressif». Elle les balaie: «Si je l’avais vu comme ça, je ne l’aurais pas côtoyé».
«Un choc»
«Je ne l’ai jamais vu en colère, je ne l’ai jamais vu avoir un comportement inapproprié», abonde ensuite D., 67 ans, longs cheveux bruns, en veste à boutons dorés, qui a aussi connu Mohamed Lahouaiej-Bouhlel lors d’un cours de salsa, fin 2014, et a entamé une relation avec lui au printemps 2015. Il n’était pas dragueur mais «réservé», «complexé», «pas très sûr de lui», assure en revanche cette Niçoise aux mains soigneusement manucurées, jointes devant elle. «On se voyait deux ou trois fois par semaine», mais toujours à l’initiative du jeune homme, et «je freinais des quatre fers» pour espacer ces rencontres, ajoute-t-elle.
A cette période, «vous étiez largement son premier interlocuteur téléphonique», lui fait remarquer le président Laurent Raviot. Il «me disait qu’il n’avait pas d’amis et les derniers temps, il semblait s’accrocher à moi», avait observé D. quand elle avait été entendue par les enquêteurs. Quand son visage est apparu à la télévision, l’identifiant comme l’auteur de l’attentat, «je n’ai pas pu réaliser. Ca a été un choc. Je n’ai pas pu faire le lien entre l’homme que j’avais connu et celui qui était devenu un criminel», lâche-t-elle.
Une autre facette
Jeudi, la cour avait découvert encore une autre facette de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel avec le témoignage de R., 80 ans. Cet ancien gérant d’un sauna gay s’est présenté comme une sorte de «mentor» du jeune Tunisien, qu’il a décrit comme «très influençable» et «faible d’esprit». Il a affirmé avoir lui aussi entretenu des relations intimes avec lui, entre 2010 et 2014, puis une amitié.
L’homme à la silhouette frêle, visage juvénile, cheveux teints, a expliqué qu’un soir, quelques mois avant l’attentat, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel lui avait montré des vidéos d’exactions du groupe Etat islamique. «Il me dit: ‘tu veux voir comment on traite les gens là-bas, en Syrie ?’ Il ouvre son ordinateur, et là, l’horreur, je vois plusieurs personnes allongées, on leur tranchait la tête avec un couteau». Devant son effroi, son ami aurait répondu: «Je suis habitué». «Je pensais pas qu’il pouvait regarder des choses pareilles, lui, le gentil garçon», souffle R.