Bande dessinéeDany et Yann inventent le Spirou «bignolles»
Le duo d’auteurs mélange allégrement subtilités et grossièretés dans un album sexy, provocateur et pas woke pour un sou. Âmes sensibles s’abstenir.

Si une jeune femme en robe à bretelles a suffi à indigner une mairie et à faire, provisoirement, censurer une affiche d’un festival BD, il ne faut pas que celles et ceux qui trouvent que le 9 Art continue à donner une image sexiste de la femme lisent le Spirou vu par Dany et Yann.
Dany est célèbre pour avoir toujours dessiné des femmes ultra sexy, même dans le journal «Spirou» à l’époque, raccourcissant imperceptiblement la robe de la sublime Colombe au fil des épisodes d’Olivier Rameau. On savait donc que ce «Spirou et la gorgone bleue» n’allait pas manquer de charmes. Et en effet, jamais on aura vu autant de femmes peu vêtues voire totalement nues dans une aventure du groom, ce dernier ayant lui aussi pris quelques muscles. Mais les femmes jouent également un rôle de premier plan, puisque c’est un groupe d’écoterroristes entièrement féminin (la gorgone bleue) qui a enlevé l’égérie d’une marque de fast-food pour lutter contre la malbouffe et la pollution. Et Spirou et Fantasio vont s’allier avec une agente de la CIA (sexy aussi, of course) pour découvrir pourquoi leur ami le comte de Champignac supporte de telles activistes.
Noirs à grosses lèvres
C’est tout le paradoxe de cet album. Yann, dans son scénario, aborde de nombreux sujets chauds du moment, comme la pollution, la surconsommation, le racisme, le sexisme, en dénonçant tout cela. Tout en en rajoutant une couche. Bravo d’avoir pensé à faire un équipage entièrement noir à bord du porte-avions américain, mais les dessiner avec de grosses lèvres comme jadis risque fort de faire hurler.
Dany a illustré à l’époque des gags grivois, voire très lourds dans une série de recueils qui auraient bien du mal à être édités aujourd’hui. On soupçonne donc qu’il puisse être l’auteur de quelques blagues salaces le plus souvent proférées par l’écureuil Spip (pour mieux faire passer la pilule?). En parlant de pilule, voilà que Champignac a inventé un produit pour redonner de l’ardeur aux hommes, Dany n’hésitant pas à dessiner les champignons dont il est issu en forme de phallus, roubignolles comprises. Qu’on se rassure toutefois, la seule copulation visible à l’image est celle d’un coq et d’une poule, étouffant ainsi un scandale dans l’œuf.
De fausses suites
C’est donc un étonnant mélange de subtilités et de grossièretés que cet album, à l’intrigue toutefois bien ficelée, au dessin forcément magnifique, avec un affreux milliardaire cupide qui a les traits de Trump, une Secotine resplendissante qui finit par jouer dans les vagues avec l’agente du FBI façon «Alerte à Malibu». Sans oublier un cousin géant, obèse et albinos du Marsupilami qui n’a pas la délicatesse de ce dernier. Aucun risque donc que cette BD soit soupçonnée du moindre wokisme. Mais que ceux que le politiquement incorrect heurte ou qui réagissent au quart de tour au moindre gag lourd passent leur chemin. Cette gorgone va les horripiler. Qu’ils se rassurent, le dos de l’album qui annonce de multiples suites n’est qu’un clin d’œil. Dany et Yann se seront fait plaisir une seule fois. Plaisir qui ne sera certainement pas partagé par tous.
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«Spirou et la gorgone bleue», de Dany et Yann, Éd. Dupuis, 88 pages