JuraLes élus ont augmenté leurs salaires illégalement
Les conseillers communaux de Haute-Sorne se sont versés de la prévoyance avant la retraite, une pratique qui sera débattue lundi prochain par les parlementaires.
- par
- Vincent Donzé
Les indemnités versées à des conseillers communaux de Haute-Sorne sont-elles méritées? Sans doute, mais sont-elles légales? En puisant dans la prévoyance professionnelle pour financer des versements compensatoires, les conseillers communaux ont poussé le bouchon trop loin, même si ces montants figuraient au budget.
Sans cotiser, les membres du Conseil communal se sont octroyés des montants puisés dans la part patronale de la loi fédérale sur la prévoyance professionnelle vieillesse, survivants et invalidité (LPP) et prévu pour la retraite. Lundi prochain, à la prochaine séance du Conseil général, ils demanderont aux parlementaires de passer l’éponge sur une pratique illégale.
Pas affiliés à la caisse
Les conseillers généraux devront statuer sur la validation d’un versement compensatoire total de 54 167 francs octroyés en 2021 à sept conseillers communaux qui n’étaient pas affiliés à la caisse de pension, un versement effectué sans base légale. Au lieu de rembourser les montants perçus, ils demandent une modification rétroactive du règlement relatif aux traitements, honoraires, jetons de présence, vacations et indemnités des autorités.
Le Conseil communal a évoqué un «souci d’équité entre les élus» pour octroyer un montant forfaitaire représentant en partie la part patronale LPP. Sermonné par la Commission cantonale des finances, il n’a pas réagi. S’agit-il maintenant de pérenniser une pratique critiquée par le délégué jurassien aux affaires communales Christophe Riat?
Sommes «indûment payées»
En 2017, la Commission cantonale des finances conseillait vivement à la commune de Haute-Sorne de cesser le versement de montants compensatoires en faveur de trois indépendants. Elle demandait le remboursement des sommes «indûment payées», mais aussi de régulariser la situation vis-à-vis de la Caisse de compensation du canton.
Un conseil a été adressé à la commune de Haute-Sorne: vérifier la régularité de sa pratique sur la problématique LPP en mandatant un spécialiste. «Il convient de constater que les recommandations n’ont pas été suivies d’effet», constate le délégué aux affaires communales.
Un pied d’égalité
«Pour mettre tout le monde sur un pied d’égalité», le Conseil communal a décidé en 2021 d’allouer 2000 francs par an à cinq membres du Conseil communal, avec effet rétroactif jusqu’en 2018, soit 8000 francs par conseiller, moins les montants déjà versés en 2016 à certains conseillers.
Le versement de ces montants forfaitaires a été exécuté via le décompte de salaire de janvier 2022 sous la mention «Traitement annuel». Les conseillers communaux ayant bénéficié de ces versements avaient le statut d’indépendant, de mère au foyer ou de retraité.
Une fois à la retraite
Premier problème: on ne peut pas prétendre à une compensation ou à une prévoyance LPP supplémentaire une fois arrivé à la retraite. Second problème: un indépendant ne peut pas bénéficier de la part de l’employeur sans être affilié et cotiser lui-même.
En dehors de la problématique liée de la prévoyance professionnelle, le règlement communal prévoit un salaire mensuel de 1750 francs pour un conseiller communal à 25%. Avec le versement d’un montant compensatoire, le traitement prévu par le règlement n’est pas respecté. «À défaut de base légale, de tels versements ne sont pas autorisés», estime le délégué aux affaires communales.
Considérée comme illégale
En un mot comme en cent: «La pratique de la commune de Haute-Sorne en matière de versements compensatoires doit donc être considérée comme illégale». Au lieu de rembourser les versements perçus, le Conseil communal demande l’approbation des conseillers généraux, en même temps qu’il demande une augmentation des salaires pour «assurer une indemnisation correcte du temps consacré au service de la collectivité».
Dans une commune fusionnée de 7300 habitants, qui regroupe Bassecourt, Glovelier, Courfaivre, Undervelier et Soulce, une augmentation du taux d’activité permettrait aux différents élus de «gérer leur dicastère de manière plus efficace». Le maire gagnerait 5640 francs à 60%, les conseillers communaux 2100 francs à 30%.