France voisineMythomanie meurtrière: il y a 30 ans, les crimes de Jean-Claude Romand
Il disait travailler depuis des années comme médecin à l’OMS à Genève. Il n’en était rien. Sur le point d’être découvert, il avait tué femme et enfants. C’était le 9 janvier 1993.
- par
- Eric Felley
En 1993, le 9 janvier tombait un samedi. Au matin, Jean-Claude Romand, 38 ans, tuait sa femme Florence en lui portant six coups de rouleaux à pâtisserie sur la tête. Puis, il s’est occupé de ses enfants, Caroline, 7 ans, et Antoine, 5 ans. Il a prétexté une prise de température pour qu’ils s’allongent chacun dans leur lit, la tête dans l’oreiller, avant de les tuer d’une balle de carabine calibre 22 à l’arrière du crâne.
Après avoir rangé la maison familiale, située à Prévessins-Moëns près de Ferney-Voltaire en France voisine, il est parti chez ses parents dans le Jura. Après le repas, il les a abattus dans le dos, ainsi que leur chien. Ensuite, il a voulu éliminer une ex-maîtresse à Paris, à qui il devait de l’argent. Mais il lui a laissé finalement la vie sauve. Puis il est rentré chez lui pour tenter de mettre fin à ses jours en prenant des barbituriques périmés. Vers quatre heures le dimanche matin, il a bouté le feu à sa maison, où il avait répandu de l’essence. Mais il a été sauvé par des éboueurs qui passaient par là et ont alerté les pompiers, puis transporté dans le coma aux HUG.
«Un banal accident et une injustice»
Les gendarmes ont découvert dans sa voiture de location le message qu’il avait laissé: «Un banal accident et une injustice peuvent provoquer la folie. Pardon». À la suite de son procès, l’histoire du crime de Jean-Claude Romand est connue dans ses moindres détails, même si les raisons exactes de son passage à l’acte demeurent floues. Il est entré dans les annales judiciaires comme un cas rare de mythomanie meurtrière. Né en 1954, Jean-Claude Romand avait suivi des études de médecine à Lyon, qu’il avait interrompues à 18 ans, tout en continuant à se rendre aux cours. Dès lors il s’était installé dans le mensonge, en particulier envers sa femme pharmacienne, avec qui il s’est marié en 1980. Il partait travailler en disant qu’il était médecin et chercheur à l’INSERM, puis à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) à Genève.
Des journées sur des parkings
Financièrement, il a réussi à abuser de la confiance de ses parents, de ses beaux-parents ou de sa maîtresse, en remboursant les uns avec l’argent des autres. Détail cocasse ou sordide, il prétendait participer à des congrès internationaux de médecine au Japon et aux États-Unis, alors qu’il passait des journées entières sur des parkings d’autoroute ou de supermarché. En ce début d’année 1993, il a senti que sa femme avait des doutes sur son emploi du temps et sa profession. Il a choisi alors d’éliminer celles et ceux qui partageaient sa vie, plutôt que d’affronter devant eux la découverte de son énorme supercherie.
Un nom donné au diable
L’écrivain Emmanuel Carrère lui a consacré un livre intitulé «L’Adversaire» (1999). Pourquoi ce titre, lui a-t-on demandé? «Parce que c’est l’un des noms que la Bible donne au diable.» avait-il répondu. Nicole Garcia en a fait un film avec Daniel Auteuil dans le rôle du meurtrier. Son histoire a fait l’objet d’une dizaine de documentaires ou d’émissions radiophoniques. La trame de son imposture a inspiré divers films ou séries télévisées.
Condamné à la réclusion criminelle à perpétuité en 1996, Jean-Claude Romand s’est comporté en détenu modèle en s’occupant de l’alphabétisation de certains prisonniers et d’un atelier de réhabilitation d’anciens films de l’Institut national de l’audiovisuel (INA). Il y aurait trouvé également la foi. Il est sorti de prison en 2019 dans des conditions strictes, placé en situation de liberté conditionnelle à l’Abbaye de Fontgombault dans l’Indre jusqu’à en 2022. Aujourd’hui, il a quitté cet établissement pour un village de la même région.