CommentaireC’est l’heure des comptes pour les 22 loups du Valais
Vingt-cinq ans après le retour du loup, le canton veut ancrer dans sa Constitution sa défiance vis-à-vis des grands prédateurs. Un vote très identitaire, mais qui aura peu d’effets.
- par
- Eric Felley
Zéro prédateur! Le 28 novembre prochain, le peuple valaisan votera sur une initiative intitulée: «Pour un Valais sans grands prédateurs». Lundi, les partisans de ce texte ont développé leurs arguments. Ils veulent rétablir «un équilibre indispensable entre la faune sauvage, les animaux de rente et les grands prédateurs.» Ils veulent aussi répondre «à la détresse des éleveurs», qui ont perdu l’année dernière 302 animaux à cause des loups présents sur le territoire.
Petit rappel. C’est en 1995, que le premier loup est réapparu en Valais, dans le val d’Entremont, où 70 moutons furent tués au mois de juillet. En février de l’année suivante, dans la même région, un garde-chasse a tiré sur un loup et l’a blessé. Les jours suivants, 50 chasseurs ont été mobilisés pour le retrouver, sans succès. Ce fut le début d’une longue et virulente controverse en Valais contre la politique fédérale, qui ne s’est jamais éteinte à ce jour.
113 000 francs de dégâts en 2020
Au fil des ans, malgré la mort retentissante de certains spécimens, on peut dire que le loup a gagné une manche. À la fin de l’année dernière, on en comptait officiellement 22 dans le canton, dont deux meutes et deux couples dans le val d’Entremont et celui de Bagnes. Le montant des dégâts aux animaux de rente pour l’année 2020 s’est élevé à 113 000 francs, payés à 80% par la Confédération.
Toute promotion interdite
Le loup s’est aussi installé dans le Haut-Valais, où il a rencontré encore plus d’hostilité. L’initiative a d’ailleurs été lancée en 2016 par des Haut-Valaisans. Elle introduit dans la Constitution valaisanne un article disant que l’État doit édicter des prescriptions à relatives à la protection contre les grands prédateurs. Elle ajoute un paragraphe qu’il faudra interpréter: «La promotion de la population des grands prédateurs est interdite». Sera-t-il interdit de dire qu’on aime les loups? Que c’est un magnifique animal, qui a sa place dans la diversité sauvage de nos montagnes et forêts?
Une occasion de se faire plaisir
Malgré cette inscription dans sa Constitution, le Valais n’en restera pas moins soumis au droit fédéral en matière d’espèces protégées. Le vote valaisan est donc plus symbolique et identitaire qu’autre chose. Après tant d’années de polémiques, cette initiative est un peu l’occasion de se faire plaisir dans les urnes pour toute une population de montagne qui n’a jamais accepté son retour.
L’opinion de la population valaisanne sur cette question n’est toutefois pas aussi monolithique que le souhaiteraient certains, notamment du côté du Conseil d’État, qui est sorti de son rôle d’arbitre pour défendre l’initiative. En septembre 2020, 68,6% des Valaisans avaient accepté la réforme de la loi sur la chasse, qui donnait plus de pouvoirs aux cantons dans la gestion des prédateurs (la Suisse l’avait refusée à 51,9%). Près d’un Valaisan sur trois n’avait donc pas suivi le mot d’ordre du canton. Le loup n’a pas encore perdu la prochaine manche qui s’annonce.