Ski alpinZurbriggen sur Odermatt: «C’est la marque des grands champions»
Légende du ski alpin, le Haut-Valaisan est revenu sur la médaille d’or olympique remportée en géant par le Nidwaldien aux Jeux de Pékin.
- par
- Chris Geiger
Marco Odermatt était le grandissime favori du géant olympique, dimanche à Yanqing. Le prodige suisse, qui écrase la discipline cette saison en Coupe du monde avec quatre succès et une deuxième place en cinq courses, a dompté tous les éléments en Chine pour s’offrir la médaille d’or.
Pour monter sur la plus haute marche du podium, le Nidwaldien de 24 ans a dû s'accommoder de conditions météorologiques difficiles et faire abstraction de la pression. Les capacités d’adaptation et d’apprentissage rapide hors du commun du phénomène ont une nouvelle fois fait merveille.
«J’ai regardé cette course avec beaucoup d’émotions et une grande tension, admet volontiers Pirmin Zurbriggen. J’étais curieux de voir comment les skieurs allaient s’adapter à la nouvelle neige. Chaque athlète a dû faire un choix par rapport à son matériel, sans avoir pu s’entraîner dans des conditions similaires. Ces questions m’ont fait vibrer. Et les réponses à ces dernières ont offert certaines confirmations quant à la valeur des athlètes.»
À commencer par Marco Odermatt, auteur du meilleur temps de manche sur le tracé initial et du deuxième chrono sur le second parcours, derrière le Slovène Zan Kranjec. Pour la légende du ski suisse, champion olympique en descente et médaillé de bronze en géant aux Jeux olympiques de Calgary en 1988, son jeune compatriote possède une qualité rare.
Une bataille
«Ce géant était une bataille et tout le monde a commis des fautes, analyse le Haut-Valaisan de 59 ans. Marco a été le skieur qui a géré cette situation de la meilleure des façons. Il a d’immenses qualités dans ce registre. Quand il rencontre des difficultés, il arrive à garder de la vitesse, contrairement à ses adversaires. Il perd très peu de temps malgré ses fautes. Ça veut dire que tout fonctionne, de la tête jusqu’aux pieds.»
Ses erreurs, Marco Odermatt les a gommées grâce à sa prise de risques et à son attaque à outrance. Un trait de caractère qu’apprécie particulièrement Pirmin Zurbriggen, vainqueur du Gros globe de cristal à quatre reprises entre 1983 et 1990.
«C’était absolument l’attitude à adopter, confirme-t-il. Au final, ça n’est d’ailleurs passé que pour 18 centièmes. Il ne s’en est pas fallu de beaucoup pour que la médaille d’or s’envole. Heureusement, le meilleur géantiste de la saison s’est donc imposé aux Jeux olympiques. Mais vous savez, à ce niveau, avec tous ces grands athlètes, il ne faut jamais penser que tu peux assurer quelque chose quand tu descends. Quand tu commences à calculer un petit peu, tu as déjà perdu la course. Marco possède cette capacité de vouloir toujours attaquer. Et ça, il n’y a pas tout le monde qui l’a.»
Grand dominateur de l’hiver, large leader du classement général de la Coupe du monde avec 375 points d’avance sur son dauphin Aleksander Aamodt Kilde, Marco Odermatt était quelque peu passé à côté de ses deux premières courses à Pékin. Septième en descente puis éliminé en super-G, le Nidwaldien voyait les attentes extérieures s'intensifier autour de lui. Interrogé à ce sujet, Pirmin Zurbriggen prend le contre-pied des médias.
«Je trouve que la planification était une grande chance pour Marco, explique l’homme aux neuf médailles mondiales. C’était bien pour lui d’avoir pu disputer la descente et le super-G, même s’il s’est peut-être un peu raté. Prendre le départ de ces deux épreuves olympiques lui a certainement ôté de la pression. Il a pu prendre ses marques et retrouver une préparation normale, authentique, comme il le fait toujours. C’était une grande partie de sa victoire.»
Une confiance inébranlable
Le risque de rentrer au pays bredouille n’accentuait-il pas la pression sur l’Helvète? «En tant qu’athlète, il faut regarder la chose de la manière suivante et se dire: «Je ne vais pas me louper trois fois.» La première fois, tu te rates. La deuxième fois, tu te dis: «Scheisse». Mais tu sais bien qu’avec tes capacités, tu ne te rateras pas trois fois. Il faut être positif. De l’extérieur, les gens peuvent s’imaginer toutes sortes de scénarios. Mais quand tu es toi-même au départ, tu vis la situation. Tu sens les conditions, la neige, les chaussures, les skis… Tu regardes ça avec d’autres yeux. Tu ne laisses pas les gens de l’extérieur t’influencer. C’est la marque des grands champions. Ils ont confiance en eux à 100%. C’est très impressionnant comme Marco a géré la situation.»
Une chose est sûre: avec ce titre olympique dans sa discipline de prédilection, en attendant un voire plusieurs globes de cristal en fin d’hiver, Marco Odermatt skie sur les glorieuses traces de Pirmin Zurbriggen.