Attentat de NiceLa «peine à perpétuité, hors du temps» des victimes au procès
Les avocats des victimes de l’attentat de Nice, survenu le 14 juillet 2016, vont pouvoir s’exprimer à la barre, dès ce mercredi.
Les avocats des parties civiles ont débuté mercredi leurs plaidoiries au procès de l’attentat de Nice du 14 juillet 2016, avec une introduction sur «le temps», avant d’évoquer les «vies brisées» des victimes et d’essayer de démontrer à la cour les «mensonges» des accusés.
«Dans cette salle, (…) où s’est rejoué un drame comme une catharsis (…), nous avons ressenti intimement ce que signifiaient 4 minutes et 17 secondes», la durée de la course meurtrière de l’auteur de l’attentat à bord d’un camion-bélier sur la Promenade des Anglais, a commencé Éric Morain, avocat de la Fédération nationale des victimes d’attentats (Fenvac).
2500 personnes parties civiles
Introduisant les sept journées de plaidoiries prévues pour les avocats des 2500 personnes constituées parties civiles au procès, Me Morain a aussi évoqué le temps de l’après-attentat: celui de «cette femme qui cherche à tâtons le nom de son mari sur la liste des victimes», de «ceux qui ont attendu que trop longtemps au côté du corps froid de leur enfant sur cette Promenade dévastée» et la «peine à perpétuité, hors du temps» des victimes.
À l’instar du procès des attentats du 13 novembre 2015, qui s’était tenu dans la même salle réservée aux grandes audiences, au Palais de justice de Paris, une cinquantaine d’avocats dérouleront une «plaidoirie coordonnée» pendant quatre journées et demie d’audience.
«À Nice, ça a touché tout le monde»
Les conseils des victimes souhaitent notamment insister sur la spécificité de l’attentat de Nice, qui avait fait 86 morts et plus de 400 blessés parmi la foule rassemblée pour assister aux festivités du 14-Juillet sur la Promenade des Anglais.
«Les attentats de 2015 avaient visé des cibles bien désignées. À Nice, ça a touché tout le monde: hommes, femmes, enfants, touristes et locaux…», a rappelé auprès de l’AFP, Sophie Hébert-Marchal, qui coordonne un collectif d’avocats niçois. «On va se nourrir de tout ce qui a été dit par les victimes» durant les cinq semaines de témoignages: «La culpabilité du survivant, la colère, la légitimité d’être victime ou pas», a-t-elle résumé.
«Cette plaidoirie collaborative ne sera pas seulement une succession de pleurs et de peines, mais elle sera tour à tour une contextualisation, une analyse, une suggestion de motivation et, nous l’espérons, une démonstration de ce qui s’est passé», a souligné Me Morain.
«L’empêcheur de mentir en rond»
Car le rôle des avocats de parties civiles est aussi d’être «l’empêcheur de mentir en rond» des accusés, «contre la réalité d’un dossier», a ajouté l’avocat, qui livrait l’une de ses dernières plaidoiries avant de quitter la profession. Les conseils des victimes plaideront ainsi que «les éléments constitutifs de l’association de malfaiteurs terroriste», reprochée à trois des huit accusés, sont bien là.
Pour eux, l’un des arguments de la défense selon lequel l’auteur des attentats aurait laissé en évidence des éléments incriminant faussement les accusés, par vengeance, est «faible». Ils tiennent aussi à «affirmer le caractère terroriste de l’acte» de l’auteur, Mohamed L.-B., parfois «remis en cause» pendant les débats, a souligné auprès de l’AFP l’avocate Catherine Szwarc.
«Nous voulons faire remonter la frustration de certains de nos clients» par rapport au procès, «car certaines zones d’ombre resteront à jamais des zones d’ombre», a aussi indiqué Me Samia Maktouf. Deux jours et demi seront ensuite consacrés aux plaidoiries individuelles et aux avocats représentant les associations de victimes, à partir du 29 novembre après-midi.