Université de NeuchâtelPour les rhinocéros noirs, c’est «les cornes ou la vie»
Afin de protéger l’animal menacé de disparition, une chercheuse suisse en a observé des centaines pour déterminer si les décorner pouvait leur éviter un funeste sort.
- par
- Yannick Weber
Pour éviter que les rhinocéros noirs ne soient tués pour leurs cornes: enlevons-leur ces cornes! Un peu partout, on cherche à protéger l’animal des braconniers. Vanessa Duthé, doctorante de l’Université de Neuchâtel, a publié dans une revue scientifique les résultats de ses longues analyses en Afrique du Sud. Son objet d’études: savoir si décorner préventivement les rhinocéros allait avoir des effets négatifs sur leur vie. Autrement dit, savoir si ça vaut la peine de leur retirer leurs cornes pour leur éviter le braconnage (lire encadré) ou si, ce faisant, on allait perturber leur vie au delà de ce qui est acceptable.
«Le décornage n’augmente pas la mortalité naturelle et n’affecte pas la capacité de survie de l’animal», a pu constater Vanessa Duthé. Sa conclusion est basée sur près de quinze ans d’analyses au sein du «Black rhino conservation project» en Afrique du Sud. Ce ne sont pas moins de 368 rhinocéros qui ont été observés.
Études à prolonger dans le temps
Mais décorner l’animal, qui est une opération non douloureuse, n’est malgré tout pas sans conséquences. Il a été déterminé qu’une fois sans cornes, les rhinocéros se cantonnent à de plus petits territoires. Ce qui n’est pas forcément une mauvaise chose en soi. «Nous avons constaté que les rhinocéros décornés sont en moyenne 37% moins susceptibles de s’engager dans des interactions sociales que les individus avec cornes, ce qui engendrera peut-être moins de combats entre mâles qui sont parfois mortels», relève le chercheuse.
Les résultats sont donc a priori positifs et plaident pour décorner les rhinos pour leur éviter d’être chassés. Attention toutefois, reconnaît Vanessa Duthé. «Le long cycle de vie de l’animal (30 à 50 ans) exige de prendre en compte des données à plus long terme pour conclure sur les effets sur la reproduction et la génétique», lit-on dans le communiqué de l’Université de Neuchâtel. Une étude en Namibie tend à dire que le décornage n’aurait pas, là non plus, d’impact.
Plus que 5000 rhinocéros noirs
Le rhinocéros noir est menacé. Le WWF estime qu’il y a aujourd’hui environ 5000 individus vivants. L’Union internationale pour la conservation de la nature le considère comme en danger critique d’extinction. «Les rhinocéros africains n’en ont plus pour très longtemps», avertissait l’institution en février, estimant à 2400 le nombre de rhinocéros braconnés sur le continent africain ces quinze dernières années. Au marché noir, un kilo de corne peut se vendre dans les 60’000 dollars. Vanessa Duthé expliquait l’an dernier au journal «La Région» que les cornes ôtées des animaux étaient conservées et que, si le commerce venait à être légalisé, «on inondera le marché pour espérer que cela réduise la demande».