FootballSteve von Bergen: «Il y aura un pincement au cœur»
Ce mardi à Zurich, à l’occasion du match Suisse – Kosovo, le Neuchâtelois va refermer son «beau» chapitre au commentaire de la RTS avec David Lemos. Pour «LeMatin.ch», il revient sur cette expérience. Interview.
- par
- Jérémy Santallo
Steve, y a-t-il de l’appréhension avant votre dernière, au micro de la RTS?
Non. Je m’étais lancé dans cette aventure un peu par curiosité, au début. J’avais eu un bon contact avec David. On a décidé d’aller jusqu’à l’Euro, puis il a été repoussé d’une année. Cela a ensuite ouvert une porte pour la Coupe du monde, car les qualifications commençaient avant le championnat d’Europe. Nous devions poursuivre ensemble jusqu’au Mondial au Qatar, tout en sachant que cela pouvait s’arrêter. J’ai toujours été transparent. Aujourd’hui, je veux avancer dans mes diplômes d’entraîneur et la RTS est au courant depuis plusieurs mois. Je veux prendre du plaisir une dernière fois avec David. Il n’y a pas d’appréhension, c’est plutôt positif.
Alors peut-être un zeste de nostalgie?
Lorsque l’on se lance dans quelque chose qui peut s’arrêter, je ne me dis pas: «Zut, c’est fini». C’était une belle expérience. J’ai découvert le métier de commentateur et l’équipe nationale sous un autre angle. J’ai pris du plaisir, surtout à l’Euro, et on a créé un vrai lien avec David. Sur ce point-là, oui, je suis déçu, et c’est plus ça qui va me faire quelque chose. Il y aura un pincement au cœur, au moment de rendre l’antenne, mais pas de tristesse. Cette page se tourne. Au début, je n’étais pas sûr d’écrire quelques lignes et à la fin, on a écrit un beau chapitre.
Vous parlez de curiosité. A-t-elle été satisfaite?
Au début, tu ne sais pas dans quoi tu te lances. Ce que ça représente en temps, investissement, ton cahier des charges, est-ce que le discours va être le bon, qu’est-ce que tu dois raconter, s’il faut aller dans le détail ou pas, quand parler par rapport à David. Il y avait beaucoup de points d’interrogations. Je suis arrivé sans aucune formation et il a fallu un temps d’adaptation. Il y a eu des hésitations, des erreurs, mais cela fait partie de l’apprentissage. Je voulais de la transparence de la part de David, qu’il me dise les choses qui jouaient ou pas. Je voulais apprendre et que cela soit cohérent. Car tu dois retransmettre des émotions. J’étais très ouvert à la critique.
Qu’est-ce qui vous a le plus surpris, la première fois?
J’étais vraiment embêté de savoir à quel moment je devais parler, afin de ne pas couper la parole à David. Il fallait aussi laisser des temps morts. Des fois, pendant 5 minutes, je ne parlais pas. J’observais. Ensuite, j’ai dû décider à quel point j’allais dans le détail. C’est une chaîne publique, il y a des experts qui regardent mais aussi des personnes qui connaissent moins le football. Ton vocabulaire doit toucher tout le monde mais si tu fais trop l’expert, certains diront: «Mais qu’est-ce qu’il me raconte?» Et si tu ne vas pas assez dans le détail, certains diront: «Mais il raconte de ces banalités l’autre!» (rires) Il y a une balance qui était compliquée à trouver, au début.
Et quels ont été les premiers retours? On pense à vos proches, notamment.
Certains me disaient que je pouvais aller encore plus dans le détail, d’autres que c’était assez clair quand je parlais. J’ai entendu un peu de tout. David, avec sa grande expérience, m’a donné des conseils très avisés. C’est grâce à ça que j’ai pu progresser et vivre de grands moments comme cette victoire contre la France. Nous avons eu la chance de commenter un match légendaire et de pouvoir amener notre patte. On n’avait pas envie de commenter de manière neutre, à la suisse (rire). On voulait donner des émotions et le scénario a fait que l’on a été servi.
Pas besoin de vous demander votre plus beau souvenir, donc?
C’est clairement ce penalty de Mbappé arrêté par Sommer. À la mi-temps, juste devant nous, on voyait déjà la presse française écrire ou raconter des choses en pensant à l’Espagne. Ça nous a fichu la boule au ventre. Pouvoir retourner ce match et le gagner, ça a été quelque chose d’incroyable à vivre pour chaque individu devant son écran. Mais pour nous, au commentaire en direct, c’était vraiment un très grand moment.
Et le moment le plus gênant? Il y en a bien eu un, non?
(Il hésite) C’est compliqué. Je ne crois pas avoir un pire souvenir. Ah si, il y a bien un match que je ne vais pas garder dans ma mémoire: c’est ce Suisse - Lituanie en amical, à huis clos, à St-Gall et par un froid de canard. La partie était calme, il y avait peu d’occasions. Je me souviens que David m’a dit: «Steve, j’ai besoin de toi, il faut que l’on mette de l’énergie». Pendant une mi-temps, ce n’est pas que j’étais éteint, mais je me demandais ce que j’allais pouvoir raconter. C’était un peu embarrassant, car je savais que je n’avais pas été bon. Je pataugeais un peu dans la semoule. Ce n’est pas un mauvais souvenir, mais disons un moment un peu plus compliqué.
Steve, c’est l’heure de se mouiller. Qui doit vous succéder?
On en a parlé avec David quand je lui ai annoncé, à Neuchâtel, que ça allait se terminer. Je ne suis pas inclus dans le processus de décision. Je ne peux pas me mouiller mais on a entendu le nom de Johan (Djourou). Ce serait super, car il a un certain vécu, maintenant, dans ce domaine. Il a une magnifique histoire avec l’équipe nationale, il tient à elle, cela serait donc un très bon choix pour les deux parties. J’espère que cela sera réalisable.