MigrantsCamion charnier en 2019: 23 suspects jugés en Belgique
Le tribunal de Bruges lance mercredi le procès de 23 personnes soupçonnées d’avoir pris part à un trafic d’êtres humains qui a causé la mort de 39 occupants d’un conteneur en Angleterre.
C’est l’un des drames de l’immigration les plus poignants de ces dernières années: 39 cadavres retrouvés dans un conteneur en Angleterre. Mercredi, 23 personnes soupçonnées d’avoir pris part à ce trafic d’êtres humains sont jugées devant le tribunal de Bruges. La macabre découverte a suscité une émotion planétaire et entraîné des procédures judiciaires dans au moins quatre pays, notamment en Belgique.
Le conteneur était parti du port belge de Zeebruges en direction de l’Angleterre, où a eu lieu la découverte des corps après une nuit de voyage, le 23 octobre 2019, dans la zone industrielle de Grays, à l’est de Londres.
L’accusation a établi qu’«au moins quinze» des 39 occupants du conteneur étaient partis le 22 octobre d’Anderlecht, commune limitrophe de Bruxelles où le réseau de trafiquants disposait d’une planque. Les victimes --31 hommes et huit femmes, âgés de 15 à 44 ans-- étaient toutes originaires du Vietnam. Elles sont mortes d’asphyxie et d’hyperthermie en raison de la chaleur et du manque d’oxygène dans l’espace confiné du conteneur.
Dans le volet belge des investigations, un coup de filet a été mené le 26 mai 2020, principalement en région bruxelloise, visant des Vietnamiens suspectés d’avoir pris part à ce trafic à des degrés divers. Un an et demi plus tard, vingt-trois personnes au total sont citées à comparaître devant le tribunal correctionnel de Bruges. Le procès qui s’ouvre mercredi à 09 h 00 doit durer deux jours.
Le principal accusé, un Vietnamien de 45 ans, poursuivi comme «dirigeant d’une organisation criminelle», encourt jusqu’à quinze ans de prison. Il nie toute implication. Les autres sont en général poursuivis pour «participation aux activités d’une organisation criminelle» pour avoir été mêlés à cette mafia spécialisée dans les passages clandestins vers l’Angleterre. La majorité des prévenus sont des Vietnamiens ou des Belges d’origine vietnamienne. Six sont de nationalité marocaine et l’un d’eux est d’origine arménienne.
Condamnations au Royaume-Uni, au Vietnam
Ce drame a jeté une lumière crue sur les risques de l’exil via des filières clandestines, montrant aussi l’absence totale de scrupules de certains trafiquants. Nombre des victimes étaient originaires d’une région pauvre du centre du Vietnam, où les familles s’endettent pour des milliers de dollars afin d’envoyer l’un des leurs au Royaume-Uni dans l’espoir d’une vie meilleure.
Au Royaume-Uni, sept hommes ont déjà été condamnés en janvier 2021 à des peines allant de trois à 27 ans de prison. Il s’agit notamment des hommes ayant organisé les rotations de chauffeurs pour acheminer les migrants. L’un d’eux, Eamonn Harrison, un chauffeur routier nord-irlandais âgé d’une vingtaine d’années, a écopé de 18 ans de prison pour avoir convoyé la remorque sur le continent, jusqu’à Zeebruges. Il a assuré lors de son procès à Londres qu’il ignorait la présence à bord de clandestins.
Par ailleurs au Vietnam, quatre hommes ont été condamnés dès septembre 2020 à des peines de prison allant de deux ans et demi à sept ans et demi et trois autres à des peines avec sursis.
Plusieurs semaines
L’enquête en Belgique n’est pas close puisqu’au moins deux suspects n’ont pas encore été interpellés, selon le parquet fédéral. Un autre, un Vietnamien qui était mineur au moment des faits, doit faire l’objet d’une procédure distincte.
Au printemps 2020, à l’époque des arrestations menées conjointement en Belgique et en France (où il y a eu à l’époque treize inculpations), les enquêteurs avaient établi que ce réseau transportait quotidiennement «plusieurs dizaines» d’exilés venant d’Asie du Sud-Est. Selon l’accusation, les trafiquants établis en Belgique disposaient de connexions en France, aux Pays-Bas et en Allemagne. Certains prévenus auraient poursuivi leurs activités illégales après la tragédie.
Dans la foulée des plaidoiries des parties civiles, le représentant du parquet fédéral à Bruges pourrait prononcer son réquisitoire dès mercredi après-midi, avant de laisser la parole à la défense. Le jugement ne devrait pas être rendu avant plusieurs semaines.