L’Ukraine ne verra pas d’armes suisses avant longtemps

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Conseil nationalL’Ukraine ne verra pas d’armes suisses avant longtemps

Le Conseil national a vidé de son sens la motion qui devait permettre la réexportation de matériel militaire suisse sur le champ de bataille. Au grand soulagement de Guy Parmelin.

Eric Felley
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Eric Felley
Guy Parmelin a défendu la position du Conseil fédéral qui ne veut pas déroger à la loi actuelle en faveur d’un des belligérants, l’Ukraine.

Guy Parmelin a défendu la position du Conseil fédéral qui ne veut pas déroger à la loi actuelle en faveur d’un des belligérants, l’Ukraine.

DR/Parlement

Ce n’est pas demain la veille que du matériel militaire suisse va se retrouver en Ukraine. Le Conseil national a accepté mercredi la moitié d’une motion que lui proposait sa Commission de politique de sécurité (CPS) et a rejeté l’autre moitié, qui était plus favorable à la réexportation de matériel militaire suisse en Ukraine. Après le refus lundi d’une motion au Conseil des États visant le même but, la messe est dite pour un moment sur le sujet.

Ce qui a été accepté de justesse – par 98 voix à 96 – ne change finalement rien à la situation actuelle. Le Conseil national a entériné cette formulation: «Sur demande d’un gouvernement étranger, le Conseil fédéral peut abroger la déclaration de non-réexportation, si la non-réexportation demandée se rapporte à une situation que le Conseil de sécurité des Nations Unies a déclarée, dans une résolution, contraire à l’interdiction du recours à la force prévue par le droit international et si aucun intérêt prépondérant de politique extérieure de la Suisse ne s’y oppose».

Tout reste bloqué par le veto de la Russie

Comme l’a précisé le conseiller fédéral Guy Parmelin, cette possibilité d’agir du Conseil fédéral est «déjà couverte par la législation actuelle sur le matériel de guerre». Mais, pour cela, il faut une résolution du Conseil de sécurité approuvée à l’unanimité de ses membres. Or, actuellement, le veto de la Russie empêche évidemment toute résolution de ce type du Conseil de sécurité sur la guerre en Ukraine.

C’est justement pour contourner le veto perpétuel de Moscou, que la commission avait proposé une seconde modification de la loi sur le matériel de guerre. Le Conseil fédéral pourrait autoriser la réexportation d’armes: «Si l’Assemblée générale des Nations Unies a constaté avec une majorité de deux tiers, une violation de l’interdiction internationale du recours à la force». Mais pour Guy Parmelin, une telle prise de position n’a pas de valeur et elle contraindrait la Suisse à violer son droit à la neutralité et l’égalité de traitement qu’elle implique: «Si le Conseil fédéral approuvait la réexportation de matériel de guerre vers l’Ukraine, il devrait aussi approuver des demandes de livraisons de matériel de guerre à la Russie».

«Pas à l’aveuglette»

Le Conseil national a donc refusé cette deuxième modification par 117 voix à 78, le groupe PLR ayant changé de camp. Comme l’avait prédit et craint le rapporteur de la commission François Pointet (VL/VD): «Cela revient à vider de sa substance la motion». Mais de quoi réjouir Guy Parmelin qui avait mis en garde: «Avec cette motion, la Suisse donnerait le signal qu’elle est prête à enfreindre le droit à la neutralité». Autrement dit avec une expression plus triviale: «Notre pays ne peut pas avancer à l’aveuglette», a-t-il conclu.

UDC et Vert.e.s dans le même camp

Avant lui, Jean-Luc Addor (UDC/VS) avait également plaidé pour la minorité de la CPS qui réunissait paradoxalement des UDC engagés dans l’armement et des Vert-e-s pacifistes: «Ce qui nous réunit, c’est la neutralité qui ne se paie pas de mots». Et d’ajouter plus loin, «la neutralité est un élément de notre identité qu’on ne peut pas tripatouiller».

De toute façon, cet exercice parlementaire avait des airs d’alibi par rapport aux pressions internationales et à l’urgence de la guerre qui sévit chaque jour à l’est de l’Ukraine. Une motion représente un processus législatif long au Parlement. Elle doit être acceptée par les deux conseils, puis faire l’objet d’un projet de loi du Conseil fédéral, et enfin elle peut être attaquée par référendum. Ce qui prend au minimum deux ans.

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