FootballMattia Bottani, invité-surprise assumé
À 31 ans, le Tessinois ne s’attendait pas à être appelé en équipe de Suisse. Au point d’avoir dû annuler ses vacances.
- par
- Valentin Schnorhk Bad Ragaz (SG)
Les billets pour la Grèce étaient réservés depuis un bout de temps. Les réservations calées. Mais l’avion est parti sans Mattia Bottani. Vacances reportées. Pour la bonne cause. Les plages hélléniques viendront après Bad Ragaz et sa quiétude. «C’est mieux d’être ici», a rigolé le Tessinois jeudi. À 31 ans, il vit son rêve: il a rejoint l’équipe de Suisse en vue des quatre matches de Ligue des nations (en République Tchèque, au Portugal, contre l’Espagne et le Portugal) pour lesquels Murat Yakin l’a convoqué.
Bottani ne s’y attendait évidemment pas. Jusqu’au message de Vincent Cavin (l’assistant de Yakin, qui le connaît depuis des années), précédant le coup de fil du sélectionneur. «J’étais prêt à partir en vacances, sourit-il. Mais c’est peut-être encore plus beau comme ça, après tout ce temps.» Parce que le train devait être passé depuis longtemps. Plus d’une décennie que le Luganais appartient au paysage du football suisse: presque toujours en Bianconero, excepté une pige à Wil, en 2016-2017. Jamais vraiment considéré, même plus jeune: il ne compte que deux sélections en équipe de Suisse M18, et n’affiche rien d’autre à son compteur.
L’enfant d’un canton
Mais au Tessin, il a un autre statut: il est le gamin du coin. Celui que l’on connait, que l’on a vu grandir. «J’ai un parcours difficile, avec des hauts et des bas, retrace-t-il. Comme personne, comme joueur, cela m’a tout de même fait beaucoup de bien et cette sélection est un peu comme la cerise sur le gâteau après une carrière difficile.»
Bottani, c’est aussi celui qui, un jour de 2016, a manqué un penalty en finale de Coupe de Suisse (perdue par Lugano contre Zurich). Et surtout, celui qui a vengé son passé il y a dix jours, en contribuant à la victoire en Coupe de Suisse de son club de toujours (4-1 contre Saint-Gall, avec un but). Dans la lignée d’une saison constante, avec cinq buts et six assists en Super League, mais surtout avec une capacité déconcertante de faire des différences.
Quelque chose a changé. «Il a fait un saut en personnalité et en volume de jeu, observe Pierluigi Tami, qui l’a entraîné à Lugano en 2017-18. Techniquement, en revanche, c’est toujours aussi bon.» La rupture est peut-être plus profonde. Elle a trait au quotidien. Les conneries du passé, «il ne vaut mieux pas en parler», se marre-t-il. Reste qu’il y a un constat: «Botta» se blesse un peu moins, déjà.
«Avec le temps, tu apprends à gérer un peu mieux ton corps, comme ta vie privée, confirme le meneur de jeu. Ces derniers mois, j’ai trouvé une certaine stabilité. Ce sont des choses qui permettent d’être meilleur sur le terrain.» Et puis, son entraîneur Mattia Croci-Torti le gère, quitte à lui faire sauter quelques entraînements. «Crus me connaît depuis tellement de temps, il a bien sûr un rôle dans cette évolution, ajoute Bottani. Même si, sur le terrain, je ne crois pas qu’il y ait eu tant de changements. J’ai peut-être plus confiance en moi. Je veux tout le temps la balle, je m’amuse avec.»
Il ne connaît presque personne
C’est aussi pour ça, qu’il a été retenu. Pour sa capacité à s’emparer du ballon et faire des différences avec, grâce à sa conduite de balle souple et rapide. Son profil est rare dans le cadre de l’équipe de Suisse. Plus singulier que celui de son pote de toujours Antonio Marchesano (qui a mené Zurich au titre et dont les performances auraient très bien pu lui ouvrir les portes de la sélection).
C’est donc lui que Yakin a choisi. Alors jeudi, Mattia Bottani est arrivé à Bad Ragaz avec l’attitude du garçon qui doit encore s’habituer au contexte. Rien n’est vraiment familier. Mais il savoure l’instant. Avec modestie: «J’espère surtout profiter de ces prochains jours pour apprendre de tous ces grands joueurs. L’objectif est d’aider l’équipe.»
Que peut-il lui apporter? «Des beaux cheveux!», se marre-t-il. Depuis la finale de la Coupe, ils se sont teintés de rose clair. Résultat d’un pari avec des membres du FC Lugano. «Si j’avais su que je venais en équipe de Suisse, je ne l’aurais peut-être pas fait». Cela rendra le souvenir encore plus particulier. Et peut-être une façon de rendre son intégration encore plus facile.
Parce que Bottani est tellement l’invité surprise, qu’il ne connaît presque personne de la sélection actuelle. «À part Gavranovic qui est Tessinois, j’ai simplement joué avec Shaqiri et Zuber en M18, mais je ne les connais pas bien. J’aurai le temps de faire connaissance avec tout le monde.» La Grèce est déjà bien loin.