Guerre en UkraineLa Pologne confirme une frappe de missile «de fabrication russe»
La Pologne a confirmé mardi qu’un missile «très probablement de fabrication russe» avait atteint son territoire, tuant deux personnes. Les pays occidentaux lui ont apporté leur soutien.
La Pologne a placé mardi son armée en état d’alerte renforcée après avoir été atteinte par ce qu’elle a décrit comme un missile «très probablement de fabrication russe», qui a fait deux morts et qui pourrait marquer une escalade majeure du conflit en Ukraine avec l’implication d’un membre de l’Otan.
Les Occidentaux ont apporté leur soutien à la Pologne dans la foulée de la confirmation polonaise de ce missile tombé dans le sud-est du pays, près de la frontière avec l’Ukraine, et sur lequel pèsent de sérieuses interrogations.
«Il est improbable (…) qu’il ait été tiré depuis la Russie», a déclaré le président américain Joe Biden à l’issue d’une réunion d’urgence mercredi des dirigeants des grandes puissances du G7 (États-Unis, France, Allemagne, Royaume-Uni, Italie, Canada, Japon), en Indonésie, en marge du sommet du G20. «Je vais m’assurer que nous puissions déterminer ce qu’il s’est passé exactement» avant de décider d’une réaction, a-t-il ajouté, après cette rencontre d’une heure environ à laquelle ont également participé des dirigeants de l’Espagne, des Pays-Bas et de l’Union européenne.
«À 15 h 40, dans le village de Przewodow (…), un projectile de fabrication russe est tombé, tuant deux citoyens de la République de Pologne», selon un communiqué de Lukasz Jasina, porte-parole du ministère polonais des Affaires étrangères, signalant que l’ambassadeur russe avait été convoqué pour «des explications détaillées».
Un peu plus tard, le président polonais Andrzej Duda a semblé temporiser, relevant qu’il n’y avait à ce stade pas de «preuve équivoque» sur l’origine du tir du missile meurtrier, «très probablement de fabrication russe» selon lui. «Une enquête est en cours», a-t-il relevé, affirmant qu’il s’agissait d’un incident «isolé».
«Il vient d’être décidé de relever le niveau d’alerte de certaines unités de combat… et d’autres personnels en uniforme», avait annoncé plus tôt le porte-parole du gouvernement polonais Piotr Müller.
Le chef de l’Otan Jens Stoltenberg doit tenir mercredi une «réunion d’urgence» avec les ambassadeurs de l’Alliance, selon une porte-parole.
La Pologne, qui partage une frontière avec l’Ukraine, envahie le 24 février par la Russie, est membre de l’Otan et quelque 10’000 militaires américains se trouvent dans le pays.
Il est «absolument essentiel d’éviter l’escalade de la guerre en Ukraine», a exhorté le secrétaire général des Nations unies Antonio Guterres dans un communiqué, se disant «très préoccupé». Il a réclamé une «enquête approfondie» sur le tir.
«Provocation intentionnelle» selon Moscou
La Maison-Blanche a fait savoir que Joe Biden avait discuté avec son homologue polonais et avec Jens Stoltenberg. Et son secrétaire d’État Antony Blinken a parlé avec ses homologues polonais Zbigniew Rau et ukrainien Dmytro Kouleba. «Nous nous sommes engagés à rester étroitement coordonnés dans les jours à venir alors que l’enquête avance et que nous déterminons les prochaines étapes opportunes», a tweeté Antony Blinken depuis Bali.
Paris, Londres et Berlin entre autres ont assuré Varsovie de leur soutien, le président ukrainien Volodymyr Zelensky a exprimé ses «condoléances pour la mort de citoyens polonais victimes de la terreur des missiles russes». «L’Ukraine, la Pologne, toute l’Europe et le monde doivent être entièrement protégés de la Russie terroriste», a poursuivi Volodymyr Zelensky, affirmant avoir «échangé les informations disponibles et (nous) sommes en train de clarifier tous les faits».
Des médias polonais locaux, se basant sur des sources non officielles, avaient fait état plus tôt d’une explosion ayant fait deux morts dans un dépôt de céréales à Przewodow.
De son côté, Moscou a qualifié les accusations de tirs russes sur le sol polonais de «provocations». «Les déclarations de médias polonais et de responsables officiels sur une prétendue chute de missiles russes près de la localité de Przewodow relèvent de la provocation intentionnelle dans le but de créer une escalade de la situation», avait alors réagi le ministère russe de la Défense sur Telegram. «Aucune frappe n’a été menée sur des objectifs proches de la frontière ukraino-polonaise» par l’armée russe, affirmait le ministère. Les images de «débris publiés par les médias polonais depuis les lieux des faits dans la localité de Przewodow n’ont aucun rapport» avec des projectiles russes.
«Garder le calme»
Dans la nuit de mardi à mercredi, le Premier ministre polonais Mateusz Morawiecki a appelé «tous les Polonais à garder le calme face à cette tragédie», à l’issue d’une réunion d’urgence de son cabinet.
À Kiev, le président ukrainien a directement accusé la Russie d’avoir tiré des missiles sur la Pologne, qualifiant cette frappe présumée «d’escalade très importante». Son ministre des Affaires étrangères avait demandé une réunion «immédiate» de l’Otan et qualifié de «théories du complot» les allégations, publiées sur internet, selon lesquelles il pourrait s’agir d’un missile ukrainien tombé en territoire polonais.
En Hongrie, le porte-parole du Premier ministre Viktor Orban a indiqué qu’un Conseil de défense avait été convoqué dans la soirée «en réponse au missile qui a frappé le territoire de la Pologne».
«Gifle au visage du G20»
L’article 5 du traité de l’Alliance atlantique affirme que si un État membre est victime d’une attaque armée, les autres considéreront cet acte de violence comme une attaque armée dirigée contre l’ensemble des membres et prendront les mesures jugées nécessaires pour venir en aide au pays attaqué. Si une attaque d’origine russe était confirmée cela constituerait une aggravation sérieuse du conflit en Ukraine.
Ce tir est intervenu au soir d’une journée marquée par une intense campagne de bombardement russe sur les infrastructures ukrainiennes, qualifiée par le président Zelensky de «gifle au visage du G20». Ce sommet se déroule sans le président russe Vladimir Poutine, qui n’a pas même souhaité s’y exprimer par visioconférence. Ces frappes, qui ont fait au moins un mort à Kiev, ont entraîné des coupures de courant généralisées en Ukraine et jusque dans la Moldavie voisine, aux portes de l’UE.
Selon Volodymyr Zelensky, ces frappes ont provoqué l’arrêt automatique de réacteurs dans deux centrales nucléaires en Ukraine. Dix millions d’Ukrainiens ont été privés d’électricité mais quelque huit millions avaient bénéficié de réparations d’urgence mardi soir, a-t-il précisé.
Nouveau retrait russe
Des frappes ukrainiennes sur la région russe de Belgorod, frontalière au nord-est, ont fait deux morts et trois blessés, a indiqué sur Telegram le gouverneur de la région Viatcheslav Gladkov.
Les frappes massives sur l’Ukraine ont eu lieu quatre jours après l’humiliant retrait des forces russes d’une partie de la région de Kherson, dont la ville du même nom, dans le Sud, après plus de huit mois d’occupation.
Signe des difficultés des Russes sur le terrain, les autorités d’occupation dans la région de Kherson, dont Moscou revendique l’annexion, ont dû abandonner une nouvelle ville, Nova Kakhovka. Cette ville est située sur la rive gauche (orientale) du fleuve Dniepr, où les forces russes s’étaient repliées la semaine dernière faute de pouvoir tenir la rive droite (occidentale), où se trouve Kherson.