Votations 28 novembreÉlire les juges fédéraux par tirage au sort serait «exotique», selon Berne
Le Conseil fédéral a lancé, lundi, sa campagne contre l’initiative sur la justice qui veut remplacer la procédure actuelle d’élection des juges par une procédure de tirage au sort.
- par
- Christine Talos
Le Conseil fédéral ne veut pas de l’initiative populaire «Désignation des juges fédéraux par tirage au sort (dite initiative sur la justice)», qui propose de remplacer la procédure actuelle d’élection des juges de la Cour suprême par une procédure de tirage au sort. «Les mesures proposées par les initiants sont excessives et remettent fondamentalement en question un système qui a fait ses preuves», a expliqué lundi la ministre de la Justice, Karin Keller-Sutter.
Aujourd'hui, c'est le Parlement qui élit les juges fédéraux – qui doivent être affiliés à un parti – pour une durée de six ans. Les postes vacants sont mis au concours par la Commission judiciaire du Parlement, qui propose ensuite aux Chambres des candidats compétents. La commission veille aussi à ce que les différentes forces politiques et langues officielles soient représentées le plus équitablement possible au Tribunal fédéral. Le Parlement peut ensuite tenir compte d’aspects supplémentaires comme le sexe et la région d’origine. «Ce système fonctionne bien. Il assure la légitimité et le résultat démocratique de l’élection et permet une composition transparente et représentative de la juridiction suprême», a affirmé Karin Keller-Sutter.
Mais l’initiative, déposée par l’entrepreneur Adrian Gasser, veut rendre les juges plus indépendants. Les candidats doivent pouvoir accéder à ces hautes fonctions grâce à leurs seules qualifications, même s’ils n’ont pas de réseau politique. Sélectionnés par une commission d’experts, les juges seraient ensuite tirés au sort de façon à ce que les langues officielles soient équitablement représentées. Ils ne seraient plus soumis à une réélection et le Parlement ne pourrait les révoquer qu’en cas de violation grave du devoir de fonction ou de maladie.
Contraire à la tradition suisse
Pour le Conseil fédéral, le tirage au sort n’est pas une procédure appropriée pour désigner les juges fédéraux. En lieu et place d’une élection démocratique, c’est le hasard qui déciderait. Or, le hasard ne choisit pas forcément les personnes les plus compétentes, mais celles qui ont de la chance, a souligné Karin Keller-Sutter.
De plus, désigner les juges par tirage au sort est contraire à la tradition politique de la Suisse. «Toutes les autorités de notre pays sont désignées par le peuple ou les Parlements, a souligné la St Galloise en évoquant aussi bien les Chambres fédérales que les tribunaux cantonaux. «Aucune n’est désignée par tirage au sort. Ce serait donc exotique que les juges de notre Cour suprême soient élus ainsi», a-t-elle lancé en rappelant que tant le National que le Conseil des États ont balayé à la quasi unanimité l’initiative sans lui opposer de contre-projet.
Indépendance des juges garantie
Dans le système actuel, les partis ignorent la séparation des pouvoirs, estiment aussi les initiants. Ils sont les seuls à déterminer qui obtient un poste à la plus haute juridiction. Karin Keller-Sutter a balayé ces arguments. Selon elle, la Constitution garantit pleinement l’indépendance des juges. D’ailleurs, il n’est encore jamais arrivé que le Parlement ne réélise pas un juge en raison d’un arrêt qu’il aurait rendu.
Les initiants reprochent aussi le fait qu’un juge doit être affilié à un parti et lui verser une contribution annuelle pour être élu. Du coup, un candidat sans parti, même très qualifié, n’a aucune chance de devenir juge au Tribunal fédéral, critiquent-ils. Le tirage au sort n’offre aucune garantie, contre encore le Conseil fédéral. Au contraire, le risque serait que des partis, des valeurs ou un sexe soient fortement surreprésentés ou sous-représentés au Tribunal fédéral pour une longue durée, estime le gouvernement.