ParisLa restauration des tableaux, l’autre chantier de Notre-Dame
À Paris, la cathédrale est censée rouvrir en 2024. Ses peintures des XVIIe et XVIIIe siècles ont aussi souffert de l’incendie et retrouvent une seconde jeunesse.
Armées d’un énorme coton-tige, plusieurs personnes s’affairent à nettoyer une toile. Quelques mètres plus loin, d’autres, palette de couleurs à la main, tentent de corriger les affres du temps: près de Paris, la restauration des 22 tableaux de Notre-Dame est une «course contre la montre». C’est un chantier resté dans l’ombre de celui de la cathédrale, monument emblématique de la capitale française, ravagé par un incendie en avril 2019: la restauration simultanée de ces œuvres, qui n’ont pas été endommagées par le sinistre et doivent réintégrer l’édifice pour sa réouverture, en 2024, est une opération unique par son ampleur.
Tout se passe dans un lieu tenu secret. Arrivées six semaines après l’incendie de 2019, ces toiles – 25 au total, dont 22 sont rénovées – sont réparties dans trois immenses salles hermétiques, loin de l’image que l’on pourrait se faire d’un atelier d’artiste. «C’est un peu une course contre la montre», dit la restauratrice Laurence Mugniot. «Deux ans, ça peut paraître long, mais c’est habituellement le temps qu’il faut pour restaurer une toile comme «Le Triomphe de Job», qui est derrière nous», souligne-t-elle, en signalant l’immense œuvre de plusieurs mètres de hauteur de l’Italien Guido Reni, accrochée dans son dos.
Bien connaître l’historique médical du tableau
Alors, pour tenir les délais, il a fallu s’organiser différemment. Les tableaux passent de mains expertes en mains expertes, sans temps de repos: dès qu’une étape est terminée, il faut enchaîner avec une autre peinture. Avant d’arriver à ce stade, elles ont été soigneusement analysées pour établir un diagnostic de conservation: «On ne touche pas une toile sans connaître son historique médical», souligne Oriane Lavit, conservatrice du patrimoine au sein du Centre de recherche et de restauration des Musées de France.
Une fois cet historique connu, les peintures passent au nettoyage. Avec un coton-tige imbibé d’un produit nettoyant homologué, plusieurs restaurateurs retirent les couches de crasse et les vernis qui parasitent la peinture. Le geste est vif, mais précis: poignet en l’air, mouvement circulaire, ils se concentrent d’abord sur les zones les plus urgentes. «Ce qu’on veut, c’est lui redonner sa vraie nature», explique Laurence Mugniot, qui chapeaute le nettoyage du «Triomphe de Job».
«Pas avec les couleurs d’époque»
Dans une autre salle, d’où se dégage une légère odeur de peinture, la conservatrice-restauratrice Cinzia Pasquali s’attelle à la retouche d’une œuvre. Un pinceau dans une main, palette de couleurs dans l’autre, elle tente de combler les usures.
Là encore, c’est un travail d’orfèvre. «On utilise des couleurs spécifiques, car ce sont des couleurs réversibles. On ne travaille pas avec les couleurs d’époque», explique-t-elle, tout en soulignant qu’il s’agit d’un travail d’équipe, où les discussions entre restaurateurs et conservateurs sont nombreuses.