Californie: Migrants retenus dans des «camps de détention à ciel ouvert»

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CalifornieMigrants retenus dans des «camps de détention à ciel ouvert»

Ils viennent d’Afghanistan, de Chine ou du Pérou, et se retrouvent, après être entrés aux États-Unis depuis le Mexique, dans une rude situation, avec une longue attente pour le traitement des dossiers.

Pas d’eau, pas de nourriture, pas de soin: depuis quelques mois en Californie, les migrants qui parviennent à franchir la frontière avec le Mexique s’entassent dans des campements en plein désert, où ils subissent des conditions déplorables dénoncées par les associations.

Les militants dénoncent l’existence de ces «camps de détention à ciel ouvert», où les candidats à l’exil doivent attendre pendant des jours que leur cas soit pris en charge par les services d’immigration. «La police aux frontières nous a dit que c’était la nouvelle norme», s’indigne Erika Pinheiro, la directrice de l’ONG Al Otro Lado, devant un camp situé dans la localité frontalière de Jacumba.

Selon elle, sept campements de ce genre se sont formés depuis septembre en Californie. Ceux de Jacumba abritent quotidiennement 800 personnes, retenues là par les forces de l’ordre, en attendant qu’une place se libère dans un centre de traitement.

«Ils sont prévenus que s’ils quittent ces camps, ils seront expulsés», explique-t-elle. «Mais la police aux frontières ne leur fournit ni nourriture, ni eau, ni abri, ni assistance médicale.» Avec d’autres associations, Al Otro Lado tente de pallier ces manques, en fournissant des produits de première nécessité et des soins.

Chaleur, froid, serpents, scorpions et que deux toilettes

Chaleur le jour, températures en dessous de zéro la nuit: ce désert infesté de serpents et de scorpions est un environnement hostile.  Les migrants qui arrivent ici passent par un trou formé dans une montagne, le long du mur frontalier.

Les conditions sanitaires auxquelles ils sont confrontés sont déplorables. Le terrain vague ne compte que deux toilettes miteuses, adultes et enfants dorment dans des tentes abîmées et se réchauffent comme ils peuvent avec des feux de fortune, qu’ils alimentent avec les branches glanées ici et là.

Nombre d’entre eux sont forcés de passer plusieurs nuits sur place. Les agents de la police aux frontières leur fournissent des bracelets de couleur, qui indiquent leur jour d’arrivée, et servent à repérer qui doit sortir en priorité.

Application en trois langues, compliqué…

Depuis mai, l’immense majorité des migrants doit obligatoirement effectuer sa demande d’asile via l’application CBP One. Son usage a créé un goulot d’étranglement à la frontière: obtenir un rendez-vous peut prendre des mois, selon les associations. «L’application n’est disponible qu’en anglais, en espagnol et en créole», regrette Erika Pinheiro, en pointant tous les migrants incapables de comprendre ces langues.

«La police aux frontières est une organisation politique partisane très pro-Trump. Ils essaient de montrer que la frontière est hors de contrôle.»

Erika Pinheiro, directrice de l’ONG Al Otro Lado

À Jacumba, la majorité des candidats à l’exil sont des Chinois ou des Turcs. Les autres viennent d’Ouzbékistan, d’Afghanistan, de Colombie, d’Équateur ou encore du Pérou. Parmi eux, Jimmy – qui utilise un pseudonyme par peur de représailles envers sa famille – a traversé dix pays en 35 jours pour fuir la Chine. Un périple qui lui a coûté 12’000 dollars. «La situation n’est pas bonne en Chine, je ne veux pas vivre là-bas», confie-t-il.

L’immigration devrait être l’objet d’un rude affrontement politique lors de l’élection présidentielle 2024, où Joe Biden a toutes les chances d’affronter de nouveau Donald Trump. Face à l’extrême polarisation du pays sur ce sujet, Erika Pinheiro a fini par devenir suspicieuse. «La police aux frontières, et en particulier son syndicat, est une organisation politique partisane très pro-Trump», estime-t-elle. «Ils essaient de montrer que la frontière est hors de contrôle.»

«Je ne veux pas qu’il souffre comme moi»

Les migrants, eux, continuent d’affluer quoi qu’il arrive. Enceinte de huit mois, Carla Morocho a ainsi fui l’Équateur, avec l’espoir que son enfant naisse dans un pays moins violent et plus prospère. «Je ne veux pas qu’il souffre comme moi», souffle-t-elle, blottie autour d’un feu de camp avec son mari. Pour elle, comme pour les autres membres du camp, il n’y a plus de retour en arrière possible. «Je sais que je vais souffrir un peu plus», explique-t-elle. «Mais je sais que cela en vaut la peine.»

(AFP)

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