Sharon Stone: «Nous ne pouvons pas réussir sans échouer»

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ÉvénementSharon Stone à Zurich: «Nous ne pouvons pas réussir sans échouer»

L’actrice de 63 ans était samedi l’invitée d’honneur du Zurich Film Festival. Avant de recevoir son Golden Icon Award, elle s’est adressée avec émotion à la presse. Lematin.ch était présent.

Fabio Dell'Anna
par
Fabio Dell'Anna

C’est dans une salle d’un sublime hôtel zurichois, au bord du lac, que Sharon Stone a accepté de s’adresser à la presse. Une vingtaine de journalistes étaient présents, tous dans l’espoir dans savoir un peu plus sur l’icône du cinéma. Après avoir déplacé la conférence de 15 h à 17 h, l’actrice de 63 ans est arrivée avec quelques minutes de retard.

Longues boucles d’oreilles roses, robe noire qui scintille avec un faux imprimé léopard, la comédienne est resplendissante. Sans parler de son sourire hollywoodien omniprésent. «Souvent, les acteurs viennent avec un vieux t-shirt pendant les rencontres avec les journalistes, mais j’avais envie de porter de la Haute Couture pour vous», dit-elle. La suite de la conversation se fera toujours avec une touche d’humour, mais aussi teintée d’émotion. Les larmes lui montent aux yeux lorsqu’elle parle de son AVC en 2001 ou quand elle mentionne une industrie du cinéma dirigée par les hommes.

Quelle a été votre réaction lorsque vous avez su que vous alliez recevoir le Golden Icon Award lors du Zurich Film Festival?

C’est un grand honneur. Je suis si reconnaissante de recevoir ce prix. Ce moment me fait réfléchir sur toute ma vie professionnelle en tant qu’actrice mais aussi activiste dans la lutte contre le sida.

Vous avez sorti votre livre «La beauté de vivre deux fois» en mars 2021. Qu’est-ce qui vous a poussé à vivre une deuxième fois?

J’ai commencé le livre lorsque j’ai eu un grave accident vasculaire cérébral suivi d’une hémorragie. Mon cerveau a saigné pendant neuf jours. De plus, une de mes artères vertébrale était complètement cassée. Je n’avais que peu de chance de m’en sortir et j’avais un enfant âgé de 1 an ainsi qu’un mariage qui battait de l’aile (ndlr.: avec Phil Bronstein). Cela a été un moment destructeur. Lorsqu’on m’a demandé si je voulais écrire mes mémoires, je n’en avais pas vraiment l’envie. Puis je me suis mise à explorer différents angles, car j’avais beaucoup de choses à partager par rapport à ma vie d’actrice ou d’activiste. Je me suis finalement dit que cela me ferait du bien de commencer par expliquer pourquoi j’ai eu un AVC et quels enseignements j’ai tiré de cette épreuve. Mon père a eu un cancer de l’œsophage. Les médecins lui avaient dit qu’il n’avait que 3% de chance de survivre les trois prochains mois. Je lui ai dit que s’il survivait, il en tirerait une leçon. Il a survécu après 17 opérations. C’était très dur. Il m’a ensuite confié que la leçon qu’il a apprise était de découvrir le miracle de chaque jour qui passe.

Quand vous pensez à votre grande carrière, quel conseil donneriez-vous à Sharon Stone il y a quarante ans?

Pourquoi changer quoi que ce soit? Nous avons tous notre destinée. Bien sûr, il y a eu de grands moments durant ma carrière, et même certains glorieux dont tout le monde se souvient. Mais je ne veux pas prétendre que tout cela est arrivé sans gros désastres. (Rires.) Il y a des épisodes affreux dans ma vie qui m’ont finalement amenée à ces grandes réussites. Nous ne pouvons pas réussir sans échouer. Nous ne pouvons pas devenir la meilleure version de nous-même sans essayer de nouvelles choses.

Est-il vrai que vous n’avez plus de manager?

Je n’ai pas eu d’agent pendant longtemps et c’est toujours le cas. J’ai été lâchée par presque tout le monde environ un mois avant la sortie de mon livre. J’ai l’impression que personne ne voulait entendre parler de ma vie et de mon avis sur eux. Pendant des mois, on m’a contactée directement ou via Instagram. J’ai remarqué que j’avais beaucoup plus d’offres que lorsque j’avais un manager. Certainement parce que les agences récoltent toutes les offres et les gardent parfois pour d’autres clients. Je doute énormément de leur honnêteté. Je ne recevais aucune proposition de leur part, alors que maintenant j’en ai au moins douze par semaine.

Avec qui rêveriez-vous de travailler?

Je ne pourrais pas refuser de travailler avec Taika Waititi (acteur et metteur en scène néo-zélandais. Pour les Studios Marvel, il a notamment réalisé «Thor Ragnarok», ndlr). Il est génial. J’aime sa manière de penser. J’aimerais collaborer avec beaucoup d’acteurs, mais avant tout avec des actrices. La plus grande partie de ma carrière se résume ma personne entourée de 270 hommes sur un tournage. Même si j’ai appris à parler avec ces hommes, j’aimerais plutôt me retrouver avec des femmes dorénavant.

Où avez-vous trouvé la force de vous relever après votre AVC?

Mes parents sont restés avec moi au début. Puis quand ils sont repartis à la maison tout est devenu plus compliqué. Mon accident s’est produit juste après le 11 septembre 2001. Il n’y avait alors pas beaucoup de suivis pour les personnes victimes d’AVC. Et je n’allais pas bien. Ma vision n’était pas bonne, j’avais des problèmes pour marcher, j’avais perdu l’audition de mon oreille droite, je ne contrôlais pas totalement mon bras droit et je ne ressentais rien dans ma jambe gauche. Mon ami Quincy Jones m’a alors invitée pour un repas durant les vacances de Noël. Il a eu plusieurs AVC et a été traité par un très bon docteur à Los Angeles. Ce dernier m’a diagnostiquée et m’a rapidement aidée à trouver les bons médicaments pour aller mieux. C’était incroyable, car je ne pensais pas travailler à nouveau un jour. À un moment donné, je prenais jusqu’à 16 différentes pilules et je n’en pouvais plus. Mon médecin m’a mise en contact avec un psychopharmacologue qui m’a aidée à diminuer la dose. Cela a été très compliqué. J’avais l’impression d’être une toxicomane, mais il fallait que je m’en sorte. D’autant plus que j’avais un enfant et j’en ai adopté deux rapidement par la suite.

Vous êtes une féministe, mais vous avez attendu un an après que le mouvement «Me Too» éclate pour parler du harcèlement sexuel que vous avez subi à vos débuts. Pourquoi?

Je n’ai jamais attendu. J’ai parlé de ma situation à plusieurs personnes directement, mais il a fallu énormément de temps pour que quelqu’un m’écoute enfin. C’est une situation délicate d’être une femme entourée d’énormément d’hommes. Dieu merci, j’ai eu des frères et un père extraordinaire. Je ne me suis jamais considérée comme une féministe, car mon père défendait les femmes sans jamais faillir. Il m’interpellait à la place de jeux et me disait: «Tu ne donnes pas ton maximum, car tu veux que les garçons t’apprécient. Maintenant retournes y et va gagner!» Je l’écoutais et ensuite les garçons ne voulaient plus me parler. Cela a été un problème toute ma vie. J’ai compris qu’il fallait que je trouve une sorte d’équilibre. Pour une femme, c’est toujours plus compliqué. Donc oui, j’ai parlé des harcèlements que je subissais, mais il ne faut pas oublier que je travaillais dans un système qui était dirigé principalement par des hommes.

De quel moment êtes-vous la plus fière?

Il y en a eu tellement. J’ai la chance d’avoir interprété tellement de rôles différents. Par exemple, d’avoir joué dans des comédies avec Albert Brooks. L’opportunité d’avoir pu travailler avec des personnes venant de milieux différents a été une chance exceptionnelle, et c’est ce que j’ai le plus apprécié. Je trouve aussi que l’un de mes plus gros succès personnels est de pouvoir m’exprimer avec plus d’aisance en public. Comme je l’ai dit, je suis quelqu’un de très timide et il m’a fallu du temps pour trouver ma voie. Pour finir, être maman de trois enfants est l’une de mes plus grandes fiertés.

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