FranceUne policière écrivaine jugée pour violation du secret professionnel
En 2018, Agnès Naudin a écrit «Affaires de famille», livre où elle parle de plusieurs enquêtes, dont une en cours, jugée ce vendredi. Elle risque la prison avec sursis et l’interdiction d’exercer.
Réquisitions lourdes contre une policière-écrivaine: en France, le Parquet a demandé, lundi, l’interdiction définitive d’exercer et l’emprisonnement avec sursis d’Agnès Naudin, estimant qu’elle a violé le secret professionnel en publiant, en 2018, un livre évoquant des enquêtes en cours.
Plus de cinq ans après la publication d’«Affaires de famille», «elle ne semble pas avoir compris l’intérêt du secret professionnel», a déploré le procureur, lors du procès, lundi, devant le Tribunal correctionnel de Nanterre. «Si on la remet en service, elle peut encore écrire sur des affaires en cours.»
«Du pain bénit pour la défense»
Agnès Naudin, auteure de plusieurs livres et actuelle porte-parole du syndicat FSU Intérieur, évoque trois enquêtes dans «Affaires de famille», dont un viol incestueux. Hasard du calendrier, cette affaire sera jugée vendredi à Nanterre. Le livre est «du pain bénit» pour la défense du prévenu, déplore le procureur: Agnès Naudin, alors capitaine de police à la Sûreté territoriale des Hauts-de-Seine, y qualifie l’adolescente de «garce» qui «mentait».
La policière, âgée de 38 ans, répond avoir cherché à «être transparente»: «C’était une manière de montrer que, parfois, on a des réactions qui ne sont pas dignes de notre fonction» de policier, souffle-t-elle à la barre, le dos voûté.
Outre l’interdiction définitive d’exercer, le Ministère public a également requis sa condamnation à 3 mois d’emprisonnement avec sursis et 15’000 euros d’amende, dont 5000 assortis du sursis.
«Comment avez-vous pu oublier votre qualité?»
Son livre évoque également une enquête concernant un bébé secoué. «Vous donnez des éléments d’identité du père, l’âge de la nourrice, son statut marital… Vous reprenez à la virgule près des déclarations d’une audition», note la présidente du tribunal. «Pourquoi autant de détails?» lui demande-t-elle, estimant que la policière aurait pu livrer son témoignage de «manière plus générale». «J’avais une grande peur de trahir la réalité, de mal interpréter, j’ai voulu être au plus près, justifie Agnès Naudin. Je ne voyais pas d’éléments, dans ces détails, qui pourraient porter préjudice à l’enquête.»
Sauf que la violation du secret professionnel ne dépend pas de «la nature de l’information» révélée, mais de «la fonction exercée par la personne qui reçoit» l’information, rappelle le Parquet, pour qui tout élément confié à un policier est soumis au secret. «Être policier, c’est au-delà du métier, c’est un état», abonde la présidente. «À moins d’avoir été lobotomisée, comment avez-vous pu oublier votre qualité quand votre livre a été édité et est paru?»
Supérieurs alertés
Avant de publier «Affaires de famille», Agnès Naudin a demandé l’accord des personnes impliquées, changeant les noms et les lieux de commission des faits. «Je ne me serais jamais permis» de publier, sinon, assure-t-elle. «Pensez-vous vraiment qu’une personne suspectée dans une affaire criminelle, appelée par la capitaine chargée de son enquête encore en cours, peut donner un réel consentement?» l’interpelle le procureur.
Et quid de l’autorisation hiérarchique? Agnès Naudin assure avoir alerté ses supérieurs, notamment en envoyant un rapport en janvier 2018. «Tout le monde était informé, et s’ils n’ont pas répondu, c’est presque de leur faute, pas de la sienne», plaide son avocat, soulignant que sa cliente n’avait pas été sanctionnée administrativement et plaidant la relaxe. Le jugement sera rendu le 15 mai.