FranceLes pouvoirs publics épinglés sur la «maltraitance» des seniors en EMS
L’organe de défense des citoyens français estime que l’Etat peine à réagir par rapport aux signalements de mauvais traitements et d’abus en maisons de retraite.
La Défenseure des droits en France tire une nouvelle fois la sonnette d’alarme sur les «atteintes» aux droits fondamentaux et sur la «maltraitance» des personnes âgées en Ehpad (l’équivalent français des EMS suisses), et estime que la réponse des pouvoirs publics n’est «pas à la hauteur».
«Hausse» des signalements
«Nous constatons toujours des atteintes aux droits des résidents en Ehpad (...). La réponse des pouvoirs publics n’est pas à la hauteur des atteintes dénoncées, ni de l’urgence», regrette dans un entretien au «JDD» Claire Hédon, qui présente lundi un rapport de suivi de 64 recommandations émises en mai 2021 pendant la crise du Covid. Le document de mai 2021 et le livre de Victor Castanet «Les Fossoyeurs» - dont une version actualisée est attendue pour fin janvier - «ont permis une prise de conscience, pas simplement des pouvoirs publics, mais de l’ensemble de la société», souligne Claire Hédon. Mais beaucoup reste à faire. Elle cite «une hausse des signalements» auprès de l’organisme Défenseur des droits, qui avait instruit quelque 900 réclamations durant les six ans précédant le rapport de 2021, et 181 en seulement 18 mois.
Manque d’encadrement
Le suivi détaillé dans le rapport a été élaboré à partir des réclamations et des «réponses apportées par les ministères et les organismes publics aux recommandations que nous leur avions adressées», précise la Défenseure des droits. Il s’agit de «maltraitance» (43% des cas), de «limitation de visites» (30%), de «restrictions à la liberté d’aller et venir» (12%). Ces manquements concernent aussi bien le privé que le public. Or «dix-huit mois après le premier rapport, le bilan s’avère extrêmement préoccupant: 9% de nos préconisations se sont traduites par une action, 55% ont fait l’objet d’annonces mais peinent à se matérialiser, et 36% restent sans réponse», déplore Claire Hédon.
Sa recommandation principale est de fixer «un ratio minimal d’encadrement», comprenant «au moins huit soignants et animateurs pour dix résidents en Ehpad». «En France, le rapport est de 6 pour 10, là où les pays du Nord sont à 10», précise-t-elle au «JDD». Et «si vous rétablissez un taux d’encadrement normal, les aides-soignants reviendront y travailler».
«Logique comptable»
Selon le rapport présenté lundi, «certains soins», comme la toilette, sont «organisés dans une logique comptable pour réduire les effectifs du personnel». Il évoque les résidents d’un Ehpad qui avaient «au mieux une douche tous les quinze jours» et restaient pour certains «la plupart du temps en blouse d’hôpital ou en pyjama». Pour pallier le manque de personnel, l’établissement imposait «deux jours d’alitement par semaine par résident».
Autre point noir, les confinements intempestifs dans des établissements suite à quelques contaminations au Covid. La Défenseure des droits demande de «mettre un terme aux violations de la liberté d’aller et venir» et de «rétablir le droit au maintien des liens familiaux des résidents en Ehpad» (cette question constitue 46% des réclamations reçues).
«Isolement arbitraire»
Elle cite des «cas d’isolement arbitraire de résidents dans leur chambre» ou de «restrictions de visites», détaille des exemples de «prohibition de la présence d’un proche lors des repas; obligation de maintenir les portes des chambres ouvertes afin de vérifier le respect du maintien d’une distance entre les personnes; interdiction de contact physique, comme prendre la main».
En troisième lieu, le rapport relève les faiblesses de la lutte contre les maltraitances, notamment l’absence «d’outil de mesure fiable et partagé par l’ensemble des autorités de contrôle». Il demande un «dispositif de vigilance médico-sociale pour renforcer l’identification, le signalement et l'analyse des situations de maltraitances».