CommentaireLa politique de neutralité peu lisible du Conseil fédéral
Les décisions au sujet de la défense et de la neutralité helvétique manquent clairement de lisibilité pour l’opinion publique. Surtout quand on parle de se rapprocher de l’OTAN
Il y a quelque chose qui cloche au Conseil fédéral par rapport à la lisibilité de sa politique extérieure. Le Gouvernement l’a répété lors de sa séance de mercredi, la Suisse conserve son statut de pays neutre comme avant la guerre en Ukraine. Mais, dans le même temps, il annonce que sa défense nationale va davantage coopérer avec l’OTAN ou l’UE pour mieux assurer sa sécurité dans le futur. N’est-ce pas contradictoire?
Se défendre seul avec l’aide des autres
La Suisse veut rester neutre tout en collaborant davantage avec des pays qui ne le sont pas. Dit autrement, la Suisse doit pouvoir se défendre seule, selon Viola Amherd, mais pour cela, elle a besoin davantage de l’aide des autres. Pas facile à faire passer. Le Conseil fédéral a refusé mercredi de faire évoluer le concept de neutralité, comme le souhaitait Ignazio Cassis. «Les décisions prises par le Conseil fédéral depuis le début du conflit en Ukraine, dit-il dans un communiqué, comme par exemple la reprise des sanctions de l’Union européenne envers la Russie, sont compatibles avec la politique de neutralité de la Suisse telle que définie depuis 1993».
C’est une façon d’interpréter les choses à l’interne. Du point de vue russe, on sait que ce n’est pas le cas. La Suisse s’est rangée du côté des pays qui lui sont hostiles. Pour Moscou, la diplomatie helvétique n’est plus crédible pour jouer les bons offices, en particulier entre l’Ukraine et la Russie, comme elle l’a fait savoir. L’annonce d’un développement de la coopération de l’armée suisse avec l’OTAN n’est pas de nature à faire changer d’avis les Russes sur la question.
Assumer la nouvelle situation
La Suisse a rejoint la politique de sanctions contre la Russie pour défendre les valeurs qu’elle partage avec ses voisins. C’était le seul chemin raisonnable et possible eut égard à la situation. Face au conflit, la neutralité ne pouvait être entachée d’un soupçon de double jeu. Une fois la décision prise, il faut assumer la nouvelle situation, même si elle est moins confortable que par le passé pour les intérêts économiques helvétiques. Nous ne sommes plus en 1993.
La neutralité comme la fidélité
La neutralité, c’est un peu comme la fidélité. Imaginons un couple qui a construit une relation durable sur cette fidélité. Un jour, un des partenaires trompe l’autre. Face aux reproches de ce dernier, le trompeur affirme toutefois qu’il reste plus que jamais attaché au principe de fidélité. Selon lui, malgré les apparences, cela reste conforme à la «marge de manœuvre» – pour reprendre une expression du Conseil fédéral – qu’il se fait de l’idée de fidélité. Pas sûr que l’autre comprenne.