Hockey sur glace: Passé proche de la mort, cet ex de KHL s’éclate à Anniviers

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Hockey sur glacePassé proche de la mort, cet ex de KHL s’éclate à Anniviers

Le Slovaque Richard Mraz était promis à une belle carrière. À 30 ans, il se retrouve au plus bas niveau du hockey valaisan. Il raconte son histoire rocambolesque.

Ruben Steiger
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Ruben Steiger
Richard Mraz, ex-grand espoir du hockey slovaque, survole la troisième ligue valaisanne avec le HC Anniviers.

Richard Mraz, ex-grand espoir du hockey slovaque, survole la troisième ligue valaisanne avec le HC Anniviers.

Jeffray Bitz

«Je vais tout vous raconter, mais ça risque de prendre du temps. C’est une très longue histoire.» Autour d’un verre dans un bar de Sierre, Richard Mraz (30 ans) plaisante volontiers sur la destinée surprenante que sa carrière a épousée. Grand espoir du hockey slovaque, le natif de Nitra griffait déjà les glaces de KHL, avec le Lev Poprad, à 19 ans. Il patine désormais avec le HC Anniviers, au milieu d’amateurs passionnés, en troisième ligue.

Comment un attaquant doté d’un tel talent a-t-il pu passer de l’un des meilleurs championnats du monde à l’échelon le plus bas du hockey valaisan? Tout cela, en à peine plus de 10 ans? «Les blessures, les mauvais contrats ou encore la perte progressive de motivation. C’est un ensemble de facteurs», résume-t-il. Il ajoute avec le sourire qui le caractérise: «Si je vous détaille tout cela dans l’ordre chronologique, ça sera plus simple.»

Des débuts prometteurs en KHL

Tout commence donc à Nitra, en Slovaquie. Richard Mraz figure parmi les plus sûrs espoirs de son pays et participe au Mondial M18 en 2011 (4 matches, 0 point). Afin de parfaire son développement, il signe un contrat avec le Lev Poprad, la formation slovaque évoluant en KHL. «J’ai commencé dans le club ferme et j’ai été rappelé à la fin du mois de janvier 2012.» Cette promotion intervient quelques semaines après un championnat du monde M20 où il a brillé (6 matches, 5 points).

«Quand on m’a dit que je risquais de rester paralysé ou de devenir aveugle, j’ai pleuré comme un petit enfant.»

Richard Mraz

«J’ai effectué des bons débuts en KHL puisque j’ai fait deux assists en trois matches. J’ai ressenti une immense fierté. Lors de la troisième partie à Moscou, contre le Spartak, j’ai été touché au ventre lors d’un contact. J’ai eu mal, mais je me suis dit que c’était normal et que ça allait passer.» Ce n’était en réalité que le début des problèmes.

Tout proche de la mort

Le coup lui avait en fait déchiré la rate et celle-ci saignait intérieurement. Il passera deux semaines à l’hôpital en Russie à 40 de fièvre avant d’être rapatrié en Slovaquie sans connaître le mal qui le frappe. Après trois semaines d’examens complémentaires, les médecins trouvent enfin une réponse, il souffre d’une hypertrophie de la rate et d’un empoisonnement du sang.

«Quand on m’a dit que je risquais de rester paralysé ou de devenir aveugle, j’ai pleuré comme un petit enfant, se souvient-il. On a dû m’opérer l’après-midi même parce que la situation était critique.»

Et le pire a été évité de justesse. Pendant l’opération, lorsque le médecin déconnecte la rate du dernier vaisseau sanguin, celui-ci lui explose entre les mains. «Si cette mésaventure s’était produite deux minutes avant, je ne serais plus de ce monde.»

Après sa grave blessure, Richard Mraz (en blanc), ici lors d’un match de préparation en août 2013, a disputé huit nouveaux matches de KHL avec le Slovan Bratislava.

Après sa grave blessure, Richard Mraz (en blanc), ici lors d’un match de préparation en août 2013, a disputé huit nouveaux matches de KHL avec le Slovan Bratislava.

imago sportfotodienst

Passé tout proche de la mort, Richard Mraz ne perd pas espoir de faire une carrière, malgré 25 kilos en moins. Il se retape et file au Canada pour jouer en Ligue junior de l’Ontario (OHL) avec les Ottawa 67’s (8 matches, 1 but en 2012-2013).

Deux autres graves blessures le couperont dans son élan. C’est d’abord une opération de l’épaule qui le prive de quatre mois de compétition après le Mondial M20 (6 matches, 4 points) 2012-2013. Il s’engage au Slovan Bratislava (KHL) après cette absence, sans réussir à s’y imposer.

Trois ans plus tard, en août 2015, après un championnat plein avec son club de Nitra (première division slovaque), c’est au tour de son genou de lui jouer des mauvais tours, alors qu’il venait de signer un contrat avec Litvinov, en première division tchèque. Il ne jouera que trois petits matches avec le club ferme en D2 lors de cet exercice 2014-2015.

Des clubs mauvais payeurs

«Cela peut paraître surprenant, mais ce n’est pas à cause de ces blessures que je n’ai pas fait carrière, car j’ai réussi à revenir en forme à chaque fois.» C’est plutôt lié à une perte de motivation progressive pour le monde professionnel dès la saison 2016-2017. 

«Je ne voulais plus continuer à prendre des risques pour ma santé gratuitement.»

Richard Mraz

«J’avais signé avec le MCH Martin, dans la plus haute ligue slovaque. J’ai joué 14 matches là-bas et je n’ai jamais reçu mon salaire, témoigne-t-il. J’ai donc décidé de quitter le club et de m’engager avec le HK Michalovce, en deuxième division, mais j’ai vécu exactement le même scénario. Ces deux aventures ont coupé ma motivation, je ne voulais plus continuer à prendre des risques pour ma santé gratuitement.»

Richard Mraz prend la décision d’arrêter temporairement le hockey afin de se vider la tête. Il sortira de sa «retraite» six mois plus tard en prenant la direction de la Suède pour boucler la saison avec une formation de quatrième division. Il ne prolongera pas l’aventure. «Il faisait bien trop froid en Suède», rigole-t-il.

En Suisse pour le streethockey

On est en 2018 et le Slovaque met le cap sur la Suisse. Il débarque à Sierre pour jouer au streethockey, un sport qu’il a toujours pratiqué en parallèle de sa carrière et dans lequel il a été sacré champion du monde junior en 2014. Son club, les Sierre Lions, lui trouve un travail dans une entreprise de construction et le voilà lancé dans une nouvelle vie. Totalement différente de la précédente.

«Je ne parlais pas du tout français en arrivant ici, j’essayais de me débrouiller en anglais avec les gens, explique-t-il dans la langue de Molière. Je suis vraiment reconnaissant envers les gens qui m’ont offert cette opportunité de venir en Suisse.» Avec les Sierre Lions, il remporte le sacre national en 2023.

Richard Mraz a remporté le titre de Champion de Suisse de streethockey avec les Sierre Lions en 2023.

Richard Mraz a remporté le titre de Champion de Suisse de streethockey avec les Sierre Lions en 2023.

Richard Mraz / Instagram

«Vous savez maintenant comment j’ai atterri au HC Anniviers», s’esclaffe-t-il. Après plusieurs années à jouer dans une ligue corporative, Richard Mraz avait envie de rejouer des matches officiels, pour le plus grand bonheur de sa nouvelle équipe, et le malheur des défenses adverses.

Forcément, le Slovaque se balade en troisième ligue et compte 30 points (21 buts et 9 assists) en 9 matches. En raison de son statut d’étranger, il ne peut pas jouer à un plus haut niveau. «Ce n’est pas grave, je prends beaucoup de plaisir avec Anniviers, l’ambiance est excellente dans le vestiaire.» Les Bouquetins survolent d’ailleurs le championnat avec 14 victoires en 15 sorties.

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