DROITS DE L’HOMMEBerne a enterré les sanctions contre la Chine en catimini
En décembre dernier déjà, le Conseil fédéral a décidé de ne pas reprendre les sanctions thématiques prises par l'Union européenne – sans en informer le Parlement et la population.
Berne a décidé dès le 9 décembre 2022 de «ne pas reprendre les sanctions thématiques existantes (lire encadré) jusqu'à cette date» contre la Chine, à cause «de questions juridiques non encore résolues». La NZZ am Sonntag en a reçu confirmation de la part du Département fédéral de l'économie (DEFR). Cette décision n’avait en effet pas été rendue publique. Car les Sept sages ne sont pas obligés de communiquer toutes leurs décisions, mais en décident au cas par cas, note un porte-parole.
Pesée d’intérêts
«Le Conseil fédéral a procédé à une pesée des intérêts sur la base de différents critères juridiques et de politique étrangère», explique le DEFR. La décision concerne des sanctions prises par Bruxelles en mars 2021 à l'encontre de quatre fonctionnaires chinois et d’une entreprise impliquée dans des violations des droits de l'homme contre la minorité ouïghoure. Les concernés ne peuvent plus se rendre dans les pays de l'UE et leurs éventuels avoirs sont gelés.
Soulagement bourgeois
Franz Grüter (UDC/LU), qui préside la Commission de politique extérieure du National, est «heureux que les relations déjà tendues avec la Chine ne soient pas encore plus tendues». Cela en référence aux efforts du National pour intensifier la collaboration avec le parlement de Taïwan. Une question sur laquelle Pékin, qui ne reconnaît pas l’indépendance de ce pays, ne plaisante pas. Pour le conseiller aux Etats Damian Müller (PLR/LU), le Conseil fédéral doit évaluer comment concilier les différents intérêts de la Suisse. Et il l’a fait correctement dans ce cas.
Critique socialiste
«Cette position de la Suisse ne sera guère comprise au niveau international», déplore le conseiller national Fabian Molina (PS/ZH). Berne saperait ainsi les efforts de l'UE pour faire respecter les droits de l'homme en Chine. «Les sanctions thématiques sont un nouvel instrument. Je pense que le conseiller fédéral Parmelin craint le débat sur cette approche», lance-t-il.
Effet dissuasif des sanctions thématiques
En 2021, des représentants du Secrétariat d'Etat à l'économie (SECO), du Département des affaires étrangères, du Service de renseignement et de l'Office fédéral de la justice ont présenté une note de discussion confidentielle au Conseil fédéral sur les avantages et inconvénients des sanctions thématiques. Elle sert de base de décision au gouvernement.
La NZZ a pu consulter le document. Les fonctionnaires y reconnaissent des chances à la démarche de l'UE. Le blocage des avoirs et les interdictions d'entrée pourraient donc être dissuasifs et permettraient de poursuivre les auteurs «lorsque la justice nationale ou internationale n'est pas en mesure ou ne veut pas le faire». Et: «Une participation de la Suisse renforcerait encore sa crédibilité en tant que partenaire fiable et cohérent dans les questions de politique de sanctions vis-à-vis de partenaires importants».