Maîtrise des coûts de la santé: La droite inflige un nouveau revers à Alain Berset

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Maîtrise des coûts de la santéLa droite inflige un nouveau revers à Alain Berset

Deux jours après la hausse des primes, les partis bourgeois n’ont pas voulu des réseaux de soins coordonnés dans la LAMal. Au grand dam du patron de la Santé.

Eric Felley
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Eric Felley
Alain Berset a insisté pour ancrer dans la loi les réseaux coordonnés de soins. En vain.

Alain Berset a insisté pour ancrer dans la loi les réseaux coordonnés de soins. En vain.

Parlement

«Notre système est le meilleur au monde», a lancé jeudi, Andri Silberschmidt (PLR/ZH) devant ses collègues du Conseil national, mais il a ajouté: «Cette qualité à un prix». Deux jours après l’annonce d’une forte hausse des primes pour 2024 de +8,7% en moyenne, le Conseil national a entrepris la discussion autour d’un deuxième paquet de mesures pour maîtriser les coûts, proposé par le Conseil fédéral et remanié par la Commission de la santé du National.

Alain Berset a rappelé l’historique des propositions de maîtrise des coûts du Conseil fédéral, qui remonte déjà à 2018, où 37 mesures avaient été retenues par un groupe d’experts. Un premier paquet a été traité dès 2019. Il était composé de neuf mesures, dont les plus importantes ont été «soit affaiblies, soit supprimées, soit vidées de leur substance» a regretté le Fribourgeois. Il a cité l’exemple d’une mesure concernant les génériques, qui aurait permis d’économiser entre 300 et 420 millions de francs par année, et qui a été biffée.

«Ironie de l’histoire»

Dans ce contexte, Alain Berset a relevé «l’ironie de l’histoire», qui veut que ce deuxième paquet passe devant le Conseil national juste après l’annonce de l’augmentation des primes, et qui permet de juger «de la capacité des acteurs politiques à prendre des mesures attendues depuis quatre à cinq ans». Dans ce deuxième volet, qui contient sept mesures, Alain Berset en voit deux importantes: la création de réseaux de soins coordonnés et les modèles de prix pour les médicaments «innovants et chers». «Nous avons la responsabilité d’apporter des solutions», a-t-il martelé.

Mais il a dû déchanter. L’inscription des réseaux de soins coordonnés dans la LAMal n’a pas passé la rampe malgré son insistance: «Tout le monde parle des soins coordonnés, mais quand ils sont là plus personne n’en veut… Ces réseaux constituent le cœur de ce deuxième paquet de mesures… En les refusant, la crédibilité de l’ensemble de l’exercice est par terre avant même que le débat ait commencé…» Mais le camp bourgeois ne l’a pas écouté. L’UDC, le PLR et le Centre ont refusé cette proposition par 117 voix à 67. Ce refus a été motivé principalement par la crainte de créer un nouveau prestataire de soins, avec de la bureaucratie supplémentaire et finalement un effet contraire à la maîtrise des coûts. Par ailleurs, la droite estime que la loi actuelle permet déjà de mettre en place ce type de réseaux.

Une liste de mesures

Auparavant, au nom de la commission, Benjamin Roduit (C/VS) avait déclaré: «Qu’on ne vienne pas dire au lendemain d’une forte hausse des primes, que le Parlement ne fait rien». Il a listé les mesures prévues; le renforcement des soins coordonnés, l’examen différencié des critères d’économicité, d’adéquation et d’efficacité, l’introduction des modèles de prix pour les médicaments onéreux, l’introduction des factures électroniques, et enfin l’extension des prestations fournies par les pharmaciens ou des sages-femmes, qui permettraient d’éviter de consulter le médecin.

Du «rafistolage»

Mais pour Thomas de Courten (UDC/BS) au nom de l’UDC: «Ce projet est un paquet qui propose un grand nombre de mesures, mais au final c’est du rafistolage et on n’atteint pas les objectifs». Selon lui, on ne traite que les symptômes du mal, mais pas les causes: il faudrait réviser le catalogue des prestations, s’attaquer à leur surabondance, aux nombres d’IRM ou d’échographie, avec un contrôle de qualité plus grand. «Cela sous-entend aussi un affaiblissement de la liberté de contracter pour les frontaliers ou les immigrés», a-t-il encore précisé. Regine Sauter (PLR/ZH), présidente de H+, a déclaré: «Le système de la santé ne doit pas être utilisé pour faire du marketing politique». Quant à ce deuxième paquet, elle y voit «une collection assez large de mesures qui ne permettront pas de faire des économies substantielles, Nulle part nous avons eu des chiffres concrets».

Une économie de 250 millions

Au final, que reste-t-il de ce paquet après avoir passé par le Conseil national? Celui-ci a accepté assez largement l’introduction des «modèles de prix» avec les entreprises pharmaceutiques concernant les médicaments innovants et spécialement onéreux. Avec ce système, qui est en place au plan européen, les patients en Suisse pourraient y avoir accès rapidement. Grâce à ces modèles de prix, «le système parviendrait à économiser 250 millions de francs», a justifié Alain Berset. Par ailleurs le prix de ces médicaments doit rester «confidentiel». Le Conseil national a toutefois décidé qu’un organisme indépendant devait pouvoir jeter un œil transparent sur cette façon de procéder et rendre un rapport, mais confidentiel lui aussi.

Enfin, le Conseil national a décidé d’étendre les possibilités de prescriptions aux pharmaciens et aux sages-femmes, ainsi que l’envoi d’une facture numérique pour les assurés. Il a accepté une motion pour tenir compte de la situation particulière des médicaments pour les maladies rares. Là aussi, Alain Berset n’y était pas favorable. Notons enfin, et ce n’est pas une économie, que les femmes enceintes devraient pouvoir se faire rembourser la totalité de leurs frais médicaux dès qu’un médecin a constaté leur état, et non pas depuis treize semaines.

D’une manière générale, ce débat sur la maîtrise des coûts a confirmé ce que l’on savait déjà et qu’a résumé Manuela Weichelt (V/ZH): «Nous faisons preuve d’une hyperactivité incroyable, a-t-elle lancé à ses collègues. Cela fait près de quatre ans que je suis ce dossier et cette hyperactivité sans but est épouvantable. Elle n’apporte rien, si ce n’est beaucoup de frustration de part et d’autre».

Système de corruption

Sa collègue Léonore Porchet (V/VD) a dénoncé cette obsession à vouloir réduire les coûts: «Alors que c’est le financement qu’il faut revoir (..) Il faut rendre le système plus honnête et plus intelligent». Elle s’en est prise violemment à l’industrie pharmaceutique, qui veut «une nouvelle couche de manque de transparence» dans le domaine des médicaments onéreux avec des rabais cachés: «C’est une honte, un nouveau cadeau à la pharma… Cela va lui permettre simplement de continuer à imposer des prix et des marges, évidemment, exorbitantes, sans contrôle démocratique. On n’est pas loin d’un système de corruption organisé et institutionnalisé».

«Interdire les tables rondes»

La gauche était fâchée de la tournure du débat. Pour Barbara Gysi (PS/SG): «Il faut mettre fin à la logique du bénéfice dans la santé et augmenter la transparence sur les salaires, les rémunérations et les liens d’intérêt…» Pour Pierre-Yves Maillard (PS/VD), s’adressant à ses collègues: «La majorité de ce Parlement a freiné le paquet de propositions du Conseil fédéral: vous l’avez fait couper en deux, vous avez demandé la tenue de tables rondes pour que l’on rediscute à peu près de chacune des mesures. Je pourrais presque dire qu’à la fin, la meilleure mesure pour enfin agir sur les coûts, ce serait plutôt d’interdire les tables rondes! Parce qu’à chaque fois que l’on en organise une, cela ne mène à aucune décision».

Le Conseil des États de la prochaine législature va devoir reprendre ce deuxième paquet de mesures, peut-être en décembre prochain, ou alors en 2024, auquel cas Alain Berset ne sera plus là pour le défendre.

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