Dette américaine«De quoi avons-nous l’air aux yeux du reste du monde?»
Face au risque de défaut de paiement des États-Unis, le président Biden a dû annuler une tournée majeure en Asie, prévue après la réunion du G7 au Japon, ce week-end.
Comment vanter une Amérique conquérante quand on risque la banqueroute? Joe Biden, encombré par une crise politique sur la dette, va malgré tout tenter au Japon de consolider ses alliances internationales face à Pékin. «C’est difficile de rivaliser avec la Chine quand on est si occupé à couler son propre navire. De quoi avons-nous l’air aux yeux du reste du monde?», s’est indigné sur Twitter Evan Feigenbaum, expert de l’Asie du centre de réflexions Carnegie Endowment for International Peace et ancien haut fonctionnaire du département d’Etat.
Compliqué de parler d’unité économique contre la Russie et Chine quand «le plus gros problème auquel fait face le reste du G7 dans l’immédiat est (le risque d') un défaut de paiement aux Etats-Unis», abonde Josh Lipsky du centre de recherches Atlantic Council.
Le président américain, qui partira bien mercredi pour un sommet du G7 à Hiroshima (Allemagne, Canada, Etats-Unis, France, Italie, Japon et Royaume-Uni) mais a dû renoncer à se rendre ensuite en Papouasie-Nouvelle-Guinée puis en Australie, assure qu’il peut être sur tous les fronts. «La nature de la présidence est de gérer un million de sujets importants en même temps, je suis persuadé que nous allons continuer à avancer pour éviter un défaut de paiement, et pour remplir les responsabilités de l’Amérique en tant que moteur sur la scène internationale», a-t-il dit mardi.
Du jamais-vu
Le voilà aussi privé de l’occasion, alors qu’il vient de lancer sa campagne pour 2024, de faire une tournée diplomatique triomphante, avant de commencer à labourer le terrain aux États-Unis. Au lieu de ça, le démocrate de 80 ans reviendra, dès dimanche, à Washington, pour reprendre les négociations avec l’opposition parlementaire sur un sujet aussi crucial que difficilement compréhensible vu de l’étranger: faire voter par le Congrès le relèvement du plafond de la dette. Sans cela, les États-Unis pourraient, à partir du 1er juin, faire défaut. C’est-à-dire être incapables de verser salaires, retraites et prestations sociales, et de payer ce qu’ils doivent à leurs créanciers. Du jamais-vu.
Annulée donc une visite historique en Papouasie-Nouvelle-Guinée, Etat insulaire d’Océanie dont l’importance stratégique croît en même temps que se tend la relation entre les États-Unis et la Chine à propos de Taïwan. Oubliée aussi la visite en Australie, auprès d’un allié qui vient de s’investir dans un très ambitieux programme de sous-marins. Ratée enfin la réunion, prévue dans le cadre spectaculaire de l’opéra de Sydney, avec les dirigeants du Quad, ce format diplomatique qui hérisse particulièrement Pékin (États-Unis, Australie, Japon, Inde).
Démocratie contre autocratie
Ce voyage tronqué fait désordre, pour un président qui répète sans cesse que les démocraties, pour s’imposer face aux autocraties, doivent être efficaces, réactives et pragmatiques. Comment dérouler cet argumentaire, quand les démocrates et les républicains s’écharpent sur une procédure parlementaire qui oblige le Congrès américain à relever régulièrement le plafond d’endettement public maximal? Et quand la solvabilité de la première économie mondiale dépend de batailles budgétaires compliquées?
Tous les Etats du G7 affichent de lourdes dettes publiques – à commencer par le pays hôte, le Japon, record mondial de dette rapportée au produit intérieur brut – mais aucun ne fait face à ce genre d’imbroglio politique.