FranceÀ Paris, un «mur de la honte» soulève un tollé
Censé protéger la banlieue des toxicomanes parisiens qui y ont été installés, le mur a suscité la «colère» et l’«écœurement» des riverains.
C’est devenu «le mur de la honte»: censé empêcher les consommateurs de crack de Paris de se rendre en banlieue voisine, un mur sème la discorde en région parisienne, le symbole étant jugé désastreux.
Un tunnel du nord-est de Paris menant en Seine-Saint-Denis, le département le plus pauvre de France métropolitaine, a été hâtivement bouché vendredi sur ordre de la préfecture de police, après l’installation côté Paris d’une cinquantaine de drogués au crack, évacués d’un autre site moins de deux kilomètres plus loin.
Lors d’une opération menée sur instruction du ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, les toxicomanes ont été déplacés de leur précédent lieu de regroupement, pour en soulager les riverains excédés, vers un square de la porte de la Villette, non loin du périphérique qui entoure la capitale et sans logements à proximité immédiate.
Le mur érigé dans la foulée pour bloquer le tunnel menant à un quartier à cheval entre les villes d’Aubervilliers et Pantin, en Seine-Saint-Denis, est censé bloquer l’accès direct à ces villes et protéger leurs habitants mais aussi sécuriser le tunnel lui-même.
Mais il a vite suscité la «colère» et l’«écœurement» des riverains qui réclament une solution pérenne pour venir en aide aux toxicomanes et a été recouvert des tags «Le mur de la honte» et «Merci Darmanin». Ériger un mur a «une portée symbolique. On pense au mur de Berlin, à celui de Trump ou encore à Gaza», estime Sabrina Mahfoufi, une habitante d’Aubervilliers. «C’est écœurant».
«On a besoin d’une réponse sanitaire et pas seulement un jeu de bonneteau», a de son côté déclaré la présidente de droite de la région parisienne Valérie Pécresse qui s’est rendue à Pantin dimanche en lançant que la Seine-Saint-Denis n’était «pas une poubelle».
«Le sentiment des riverains, c’est que finalement, on a transféré» le problème dans un département «qui a déjà des problèmes de sécurité très importants (…) et on leur rajoute des toxicomanes venus de Paris», a insisté Mme Pécresse, qui est aussi candidate à la présidentielle de 2022, lundi, sur la chaîne de télévision BFMTV.
Les élus de Seine-Saint-Denis ont pareillement dénoncé un «déplacement du problème» ainsi que «d’avoir été mis devant le fait accompli» et l’absence de réelle solution.
Face au tollé, le ministre de la Justice Éric Dupond-Moretti a indiqué lundi sur RTL «réfléchir à des solutions pérennes». Ce mur est «une solution forcément transitoire qui répond à l’urgence», a-t-il souligné.
Marché par des filiales ouest-africaines
Depuis plus de 30 ans, l’offre et l’usage de crack à Paris ont été déplacés à plusieurs reprises, restant toutefois toujours enracinés dans le nord-est de la capitale.
Ce marché de rue a été pris en main par des filières ouest-africaines au début des années 1990 et les trafiquants sont majoritairement d’origine sénégalaise, selon une enquête publiée en janvier par l’Observatoire des drogues et toxicomanies (OFDT) et l’Institut de la santé et recherche médicale (Inserm).