Cyclisme: Atienza: «Pour Gino, on doit continuer à faire vivre le vélo»

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CyclismeAtienza: «Pour Gino, on doit continuer à faire vivre le vélo»

Consultant sur la RTS, l’ex-coureur Daniel Atienza connaissait bien Gino Mäder et cette descente de l’Albula: il en parle avec émotion.

Christian Maillard
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Daniel Atienza est convaincu que Gino Mäder va continuer de regarder des courses de vélo, de là-haut.

Daniel Atienza est convaincu que Gino Mäder va continuer de regarder des courses de vélo, de là-haut.

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Comme lui, il a été coureur cycliste et comme lui, il l’avait empruntée plusieurs fois, cette descente de l’Albula, lors du Tour de Suisse. Un jour après, Daniel Atienza, comme vous, comme nous tous, ne comprend toujours pas ce qui a bien pu se passer dans ces lacets, pourquoi ce drame est arrivé. Pourquoi lui, pourquoi si tôt, le destin se manifeste souvent là où on ne l’attend pas. Consultant de la RTS avec Romain Roseng, l’ex-grimpeur de Polti, Saeco et Cofidis revient sur ce drame.

Un jour après, quel est votre sentiment, qu’avez-vous envie de dire, pourquoi pas de crier votre haine, cette injustice?

J’ai juste envie de dire que c’est vraiment terrible, que cela a été un traumatisme pour l’ensemble du peloton, de la caravane, des cyclistes actuels et des anciens. Ce samedi matin, je suis dans mes classements en train de préparer cette étape et dans une demi-heure on va partir avec Romain Roseng pour aller commenter une course de vélo. C’est complètement fou!

Pas facile de garder le sourire après un tel drame pour Romain Roseng et Daniel Atienza, Mais comme le dit le consultant, «peut-être bien que Gino aura encore envie de voir encore des courses cyclistes là-haut…»

Pas facile de garder le sourire après un tel drame pour Romain Roseng et Daniel Atienza, Mais comme le dit le consultant, «peut-être bien que Gino aura encore envie de voir encore des courses cyclistes là-haut…»

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Et comment fait-on pour commenter une course de vélo après un choc pareil?

Comme nous étions logés sur le parcours du Tour de Romandie, à Arbon (Thurgovie), je suis parti ce matin de l’hôtel pour mon footing. Je me suis dit que j’allais suivre les flèches de la course, que cela me ferait un petit repérage. Et il y avait partout le nom de Gino écrit par terre. Du départ à l’arrivée, Gino Gino Gino! Les gens du coin se sont visiblement mobilisés pour inscrire ces quatre lettres sur le bitume. À ce moment-là, pendant que je courais, je me suis dit que Gino, de là où il était maintenant, devait nous voir car le vélo était sa passion, comme moi. Cela a été sa vie et il l’a finie sur ce vélo. Comme il a grandi là-dedans, peut-être bien qu’il aura encore envie de voir des courses cyclistes de là-haut. Pour lui, pour les téléspectateurs, les téléspectatrices, on doit continuer à en parler et faire vivre ces courses. C’est ce que je me suis dit ce matin pendant mon footing et cela m’a fait du bien.

Vous avez aussi été un coureur cycliste, des descentes dans votre carrière vous en avez connu, dont celle-ci de l’Albula. Était-elle si dangereuse?

Quand j’étais coureur, j’ai moi aussi emprunté cette descente de l’Albula qui emmenait le peloton à Punt, comme jeudi. C’était, comme toutes les autres, un moment où c’est forcément dangereux. Surtout quand votre compteur frise les 90 ou 100 km/h. Mais on doit tous être extrêmement concentrés car, on le sait, cela fait partie de notre métier de prendre ce genre de risques. Ce métier, on l’a choisi, sinon il faut pratiquer un sport moins dangereux. Il est évident qu’on aborde souvent cet exercice de voltigeur avec appréhension. Maintenant je vais vous avouer quelque chose…

«J’ai plus peur d’une arrivée du Tour de France, sur le plat, avec des coureurs lancés à 60 km/h sur des ronds points et des îlots directionnels partout qu’une descente d’un col où chacun est très concentré.»

Daniel Atienza, ancien coureur et consultant sur la RTS

Quoi?

Comme une bonne partie du peloton, j’ai plus peur d’une arrivée du Tour de France, sur le plat, avec des coureurs lancés à 60 km/h sur des ronds points et des îlots directionnels partout qu’une descente d’un col où chacun est très concentré. En ce qui concerne l’accident de Gino Mäder, c’était pour moi la fatalité.

Qu’est-ce qui vous fait dire ça?

Cette descente de l’Albula est belle, propre, rapide. Pour être passé ici en voiture avec Romain Roseng quelques heures auparavant, le revêtement était impeccable. Il n’y avait pas un gravillon, c’était une très belle descente. J’en ai eu des pourries durant ma carrière, mais là ce n’était pas du tout le cas, au contraire.

Et Gino Mäder la connaissait bien, cette grande courbe…

Oui car il a dû, comme moi, effectuer plusieurs stages en altitude à Saint-Moritz. Du coup, cette descente de l’Albula, il l’a dû l’emprunter à de nombreuses reprises. On sait tous qu’elle est extrêmement rapide, avec un virage qui se referme un petit peu, il n’y avait rien de nouveau. Pourquoi est-ce que cela a été le moment fatal? Personne n’a la réponse. C’est terrible!

«Les descentes font partie de la course. On doit être maître de sa vitesse et prier pour que ce genre de drame n’arrive plus jamais.»

Daniel Atienza, ancien coureur et consultant sur la RTS

Le champion du monde Remco Evenepool, certainement sur le coup de l’émotion, et d’autres ont fustigé les organisateurs du Tour de Suisse. Leurs critiques étaient-elles selon vous justifiées?

Non, je dirais que ces attaques étaient plutôt malvenues. Les organisateurs n’y peuvent rien, ils font un travail excellent, il faut surtout leur tirer un gros coup de chapeau. À vrai dire, je compatis pour eux. Le directeur Oliver Senn et son équipe étaient anéantis vendredi et je le répète, ils n’y peuvent rien. Des arrivées en descente, comme celle-ci, il y en a sur le Tour, le Giro et toutes les courses. Les descentes font partie de la course. J’ai été coureur, je suis bien placé pour en parler. On doit être maître de sa vitesse et prier pour que ce genre de drame n’arrive plus jamais.

Gino Mäder était quelqu’un d’attachant, que tout le monde semblait apprécier dans le peloton et dans la caravane, non?

Je le suivais depuis ses débuts, avec les cadets et les juniors, comme au Pays de Vaud. C’était déjà un bon. Il était contemporain de mon voisin Martin Schäppi. Ce gamin, je l’ai vu commencer et il a gagné très tôt des courses. J’avais aussi fait connaissance de son papa cet hiver au Club Maillot d’Or. Je vais garder le souvenir d’un coureur disponible qui prenait tout le temps qu’il fallait. Il y a une semaine, samedi passé, c’était la présentation des équipes à Einsiedeln. Dès qu’il est sorti du podium, en zone mixte, il s’est arrêté, comme toujours, vers nous, les francophones. Il faisait toujours l’effort de parler en français et prenait le temps pour répondre à tout le monde. Il n’était jamais pressé et avait toujours un sourire pour tous. C’était un mec sympa, vraiment cool. C’est ce que je vais retenir sur lui.

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