Justice: maman décédée: condamné, le gynécologue vaudois fait appel

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JusticeMaman décédée: condamné, le gynécologue vaudois fait appel

Le médecin conteste avoir failli avec sa patiente, morte des suites d’une pyélonéphrite après une césarienne. Il recourt au Tribunal cantonal.

Evelyne Emeri
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Evelyne Emeri
Le praticien vaudois exerce sur La Côte. Il fait appel de sa condamnation rendue à Nyon le 4 septembre dernier.

Le praticien vaudois exerce sur La Côte. Il fait appel de sa condamnation rendue à Nyon le 4 septembre dernier.

lematin.ch/Maxime Schmid

Son avocate Me Odile Pelet avait plaidé l’acquittement lors du procès des 28 et 29 août derniers devant le Tribunal de police d’arrondissement de La Côte, à Nyon. Poursuivi pour homicide par négligence par le procureur Christian Buffat, l’obstétricien expérimenté et réputé de 53 ans avait été condamné le 4 septembre à une peine symbolique: 30 jours-amende à 500 francs le jour, assortis du sursis pendant deux ans. Le juge unique Aurélien Michel avait suivi le réquisitoire du Ministère public. S’agissant du tort moral en faveur de la famille de la victime – le veuf, les trois fillettes orphelines de 6, 10 et 13 ans, la mère et le frère de la défunte – , son montant avait été arrêté à 230 000 francs d’indemnités.

La double peine

Quel que soit le verdict (acquittement ou condamnation), le deuxième round était couru d’avance. Et deuxième round, il y aura. Il se jouera cette fois-ci devant le Tribunal cantonal. L’instance d’appel a été saisie en fin de semaine dernière par Me Pelet, avocate de la défense, qui nous l’a confirmé. Au calvaire enduré par les proches de Marie* depuis sa disparition subite en juillet 2017 s’ajoutent les prolongations judiciaires. Ce chemin de croix, raconté en audience dans une dignité et une souffrance qui avaient retourné l’entier de l’assistance, ne prendra jamais fin. Les parties civiles attendaient pourtant depuis six ans que le médecin, aussi brillant soit-il dans sa profession, reconnaisse enfin avoir fauté, comme un accompagnement à leurs douleurs.

Morte seule sur son canapé

Marie, l’être aimé, avait seulement 31 ans lorsqu’elle a laissé derrière elle son nouveau-né, ses deux aînées et son époux. Le 23 juillet 2017, elle a été emportée à son domicile des suites d’une pyélonéphrite aiguë à subaiguë du rein gauche qui a entraîné le choc septique fatal. C’est son mari qui l’a découverte sans vie au petit matin sur le canapé de leur salon. Les secours seront impuissants: elle s’en est déjà allée. Pour éviter à ses filles qu’elles gardent une dernière image traumatisante, il leur couvrira la tête pour sortir du logement. La maman avait accouché trois semaines plus tôt. C’est précisément le praticien de La Côte qui est appelé dans la nuit du 1er juillet 2017 pour gérer les complications survenues après la naissance de la petite dernière par césarienne.

Un téléphone, c’est tout

Ces complications – déchirures au niveau de l’utérus, de la vessie et du vagin - nécessitaient de faire intervenir d’urgence ce médecin-chef de garde pour suturer les tissus et les organes lésés. Craignant d’avoir sectionné l’uretère gauche (ndlr. canal qui conduit l’urine du rein à la vessie), il contactera depuis le bloc opératoire un confrère urologue qui le rassurera. Puis plus rien: ledit confrère se souvient du téléphone mais pas d’avoir été recontacté ensuite. L’infection rénale, la pyélonéphrite qui tuera, n’est pas diagnostiquée à temps. Marie pense que ses douleurs dans le bas-ventre et dans le dos sont uniquement dues à son troisième accouchement. La fièvre et ses vomissements aussi. Elle n’a pas appelé les urgences cette nuit-là ainsi que l’accusé le lui avait recommandé, elle ne voulait pas retourner à l’hôpital.

«Cette omission, admise, était fautive»

Le juge du Tribunal de Nyon

En première instance fin août, le prévenu, bouleversé et «désolé» aux premières minutes de son procès, avait très peu parlé et nié le lien de causalité. Il avait admis un manquement à demi-mot, alors que le procureur Buffat le pressurisait et le mitraillait de questions: «Admettez-vous que vous auriez dû recueillir cet avis urologique?» Réponse de l’obstétricien: «Oui, d’accord avec ça. J’ai cru l’avoir obtenu. Je me suis dit: «Pas de nouvelles, bonnes nouvelles». Pour lui, «la faute incombe à une suite d’événements malheureux».

Un décès évitable

Sans doute, le point de bascule pour le juge Michel. «Le reproche que l’on peut faire au prévenu est de ne pas avoir reconnu que cette omission, admise, était fautive», notera-t-il à la lecture du verdict. Il a en outre estimé que le gynécologue vaudois avait violé les règles de l’art médical en ne relançant pas le spécialiste des voies urinaires lors du suivi post-partum. À dire d’experts, le décès de Marie aurait pu être évité avec une probabilité de l’ordre de 95%. Ironie du sort: un infectiologue mandaté par la défense avait abondé dans le même sens et avait fini par concéder à la barre que «si l’obstruction du canal (rein-vessie) avait été documentée et qu’une sonde urétérale (ndlr. sonde urinaire) avait été posée, le risque d’issue fatale aurait été clairement évité».

Le Tribunal cantonal dira dans quelques mois s’il s’aligne sur la condamnation de première instance et sur sa quotité ou s’il s’en écarte.

*Prénom d’emprunt

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