Fourgon attaqué sur l’A1Le convoyeur braqué à Chavornay: «Ma fille est très stressée par ce procès»
La justice vaudoise a déjà jugé deux Genevois pour ce casse à 25 millions perpétré en 2018. Ce mercredi débute à Lyon le procès de cinq autres prévenus, qui répondront aussi de la séquestration d’une jeune femme comme monnaie d’échange.
- par
- Evelyne Emeri
Début juillet 2022 en audience à Renens (VD), les parents de la jeune femme enlevée et séquestrée comme monnaie d’échange au soir du 8 février 2018 avaient tout les deux livré des témoignages poignants et dignes. La spectaculaire attaque à main armée d’un fourgon du groupe SOS Surveillance, détourné de l’autoroute A1 à Chavornay et vidé de son contenu sur un parking à proximité, a pourtant changé leur vie à jamais.
Les deux prévenus genevois, d’origine kurde, avaient tenté de nier toute implication et prétendu avoir été dépassés par les événements. Les trentenaires ont écopé de 7 ans (réduit à 5 ans et demi en appel) et 11 ans (appel rejeté) de prison ferme. Les juges vaudois ont retenu qu’ils étaient bien coauteurs de ce braquage (ndlr. repérages, actes préparatoires, tentative avortée) même s’ils n’étaient pas présents sur les lieux du crime ce soir d’hiver glacial.
Le collègue complice
Dès ce mercredi, ce sont cinq autres acteurs, responsables à divers degrés de ce casse à 25 millions de francs, qui comparaissent à Lyon. Âgés de 30 à 48 ans, ils risquent entre 10 ans ferme et la réclusion à perpétuité. Dans le box des accusés se trouvera notamment le convoyeur de la société romande de transport de fonds, considéré comme un protagoniste majeur de «l’Opération Chavornay». C’est lui qui a renseigné ses acolytes lyonnais sur l’itinéraire du précieux véhicule et permis cet assaut éclair.
Le cerveau lyonnais, un quadra, est en cavale à l’autre bout du monde avec une grosse partie du butin, partagée avec d’autres ou pas. Des zones d’ombre perdurent dans cette attaque hautement millimétrée. Seulement 604 000 francs suisses et 8000 dollars ont été retrouvés dans des buissons près du parking de Chavornay. En juin 2018, 2,4 millions de francs suisses et quelque 114 000 euros ont été découverts dans l’Ain (F) chez une nourrice.
La victime en garde à vue
Le convoyeur, pris en otage par le commando lyonnais avec la complicité active de son ex-collègue au volant du fourgon ce soir-là, est encore très ébranlé cinq ans après les faits. Ce père de famille, qui réside en Haute-Savoie, a perdu son travail: licencié sèchement pendant son congé maladie par son employeur deux mois après son agression. Deux mois après avoir été tenu en joue par des assaillants armés de mitraillettes et avoir obéi à leurs injonctions sans discuter. La vie de sa fille de 22 ans (en 2018) en dépendait.
Le gang très organisé et déterminé l’avait kidnappée chez elle à Lyon et ligotée afin de contraindre son père par téléphone à ne pas déclencher l’alarme et à ouvrir le fourgon. Il s’était exécuté. Quelques jours plus tard, en raison d’une complicité pressentie entre les deux transporteurs, il avait fini en garde à vue à Lyon de même que sa fille, victime des bandits et lourdement impactée par son enlèvement.
Le rapt et l’eau de Javel
Fragilisé mais ne montrant que peu ses émotions, le plaignant retourne ce mercredi aux assises, cette fois-ci à Lyon. «Ça l’a traumatisé au point de ne plus trouver le sommeil, il ne pensait qu’à sa fille transportée dans une poubelle par ses ravisseurs, avait confié son épouse aux débats à Renens, Durant deux ans, il a passé ses nuits sur le canapé en face de la porte d’entrée.» Âgée aujourd’hui de 27 ans, leur fille avait été abandonnée dans l’Ain en pleine campagne après son rapt et le braquage. Elle était partiellement dévêtue et avait été lavée avec des lingettes imbibées d’eau de Javel pour effacer toute trace.
Ses parents ont beaucoup pris sur eux mais sont toujours en colère. «Je suis désolé pour lui», avait lâché très maladroitement un des complices lors du procès vaudois. «Ça, il faut le dire à quelqu’un d’autre, pas à moi. Vous avez détruit la vie de ma fille, vous le savez? Elle avait des projets, un mariage en vue, elle était heureuse et tout s’est arrêté. J’ai écrit à mon ancien collègue en prison. Il a tout nié», avait répliqué son père.
Les premières confrontations
La jeune femme a développé des phobies: la peur de visages d’hommes cachés ou masqués à cause des cagoules, la peur des camionnettes blanches, la peur de sortir non accompagnée. Pour la première fois, elle va se retrouver devant une Cour de justice. Pire, face à ses kidnappeurs. «Depuis la convocation du Tribunal de Lyon, elle s’est enfermée dans son appartement. Elle est très stressée à l’idée de comparaître», nous confie rapidement son père par téléphone.
L’ancien convoyeur de SOS Surveillance reverra, quant à lui, pour la première fois son ex-coéquipier qui conduisait le convoi et le confrontera à ses dénégations: «Je lui avais écrit en prison. Il a tout nié». Pour cette famille, la procédure en Suisse avait déjà été interminable. L’épreuve des assises françaises est obligatoire. Tous l’espèrent salvatrice, apaisante et définitive.