Conseil nationalPour que le martyre des sorcières soit reconnu en Suisse
À Berne, Léonore Porchet demande que la Suisse rende hommage aux milliers de femmes qui ont passé sur le bûcher au Moyen Âge. Alain Berset estime que c’est d’abord une affaire d’historiens.
- par
- Eric Felley
«Entre 1430 et 1660, 3000 personnes ont été inculpées pour sorcellerie en Suisse. La Suisse romande est la région d’Europe où étaient proportionnellement exécutées le plus de personnes pour sorcellerie». Dans un postulat déposé récemment l’élue vaudoise Léonore Porchet (V/VD) propose que la Suisse fasse – à l’exemple de l’Écosse ou de la Catalogne - un retour sur ces atrocités commises et réhabilite les victimes, en très grande majorité des femmes.
«Des femmes indépendantes»
Selon elle, ce travail de mémoire est nécessaire: «La durée et l’intensité de cet élément de notre histoire méritent d’être mieux connues du grand public, argumente-t-elle. Les «sorcières» étaient des femmes indépendantes qui, par exemple, refusaient de se marier, étaient veuves ou célibataires, n’avaient pas d’enfants ou étaient tout simplement âgées. Les sorcières n’existent pas. En revanche, ces victimes ont existé et elles ont été sommairement exécutées».
Un travail pour les historiens
Interpellé mercredi au Conseil national Alain Berset, en charge de la culture, s’est montré sceptique: «Comme vous le savez, la Suisse officielle a toujours eu certaines réserves pour ce qui est de laisser le pouvoir politique décider de ce qui est juste ou pas en matière historique. À de multiples reprises au cours de notre histoire récente, le travail de mémoire a été laissé aux historiens avec toute la liberté qui doit leur être accordée pour mener leurs recherches».
Pour alimenter la mémoire collective
Cette discussion a eu lieu dans le cadre du débat sur la motion qui demandait de créer «un musée national de la femme dans l’histoire Suisse». L’idée d’un musée a été abandonnée par les Chambres, par contre l’idée d’un «réseau de tiers», c’est-à-dire de personnes compétentes sur le sujet, a été retenue. Dans ce cadre, la thématique des «chasses aux sorcières» pourrait être traitée: «Dans le cadre d’un réseau de tiers, a ajouté Alain Berset, on aurait effectivement un assemblage des connaissances des expertes et des experts capables de décrire cette histoire avec toute l’acuité nécessaire pour que ces réflexions alimentent notre mémoire collective».