BobsleighCommentaire – Ce sport qu'on adorait et qu'on ne voit presque plus
Le bob a bercé mon enfance sur la TSR, aux côtés du cyclo-cross ou du side-car, par exemple. Mais les «grands sports» ont mangé le temps d'antenne de ces disciplines mineures et c'est bien dommage.
- par
- Robin Carrel St-Moritz
Ce week-end et le prochain, il y a les Mondiaux de bob à deux et à quatre à St-Moritz (et aussi ceux de skeleton et de parabob). Il y a une trentaine d'années, j'aurais demandé du pop-corn à ma maman et j'aurais analysé chaque trajectoire depuis mon canapé, pesté quand un Letton ou un Allemand avait un meilleur temps et jubilé après une victoire suisse. En 2023, ce sport a quasiment disparu de nos antennes, se joue entre initiés et il faut être inventif pour voir une manche de Coupe du monde. Heureusement d’ailleurs que les chaînes germaniques sont là.
Les championnats du monde grisons retrouveront un peu de temps d'antenne sur la RTS ce week-end et c'est tant mieux. Parce que voir des types descendre à 135 km/h dans une long tunnel de glace naturelle, c'est quand même bien barré. Je suis allé voir les lugeurs ces derniers jours et c'est juste complètement fou. Le bob était un sport de tradition par chez nous, mais il a cédé la vedette à la course à l'audimat que notre chaîne romande vit comme tout le monde.
Gloire à un St-Gall – Lucerne au foot, tapis rouge pour une défaite de Stan Wawrinka au tennis, larmes après que la RTS n'a plus les droits pour un Ambri – Rappi et tant pis pour ceux qui risquent leur vie. C’est pareil sur nos sites et c'est le jeu ma pauvre Lucette, mais c'est vraiment un crève-cœur pour les derniers gladiateurs des pistes de bob et tant d'autres disciplines dont les droits TV se montent environ à 0 franc et 0 centime. Seules les chaînes 100% sport continuent à diffuser ces sports de niche et le biathlon l'a bien compris. Grâce à quelques bons résultats de la part de certains douaniers français, les biathlètes tricolores ont une exposition incroyable, pour un sport qui ne concerne finalement que 680 licenciés dans tout l'Hexagone.
«Le bob a clairement perdu de sa superbe chez nous», confirme Grégory Quin, diplômé en sciences du sport, en histoire et en sciences de l'éducation, ainsi que maître d'enseignement et de recherche au sein de l'Institut des sciences du sport de l'Université de Lausanne, qui sera lui aussi de la fête ce week-end, au bord de la piste dans les Grisons. «On entend souvent Massimo Lorenzi (ndlr: rédacteur en chef responsable des rédactions TV, radio et web des sports de la RTS) dire qu'il y a de la diversité sur ses antennes. Mais en fait, on voit qu'il y a une claire domination du foot, du hockey et même du tennis, même si ce dernier n'était pas historiquement installé. Il y a bien plus de profit à faire avec ces disciplines.»
Les sports d'hiver, eux, ont été contraints de s'incliner face au Dieu ski alpin. «Quelques exceptions ont confirmé la règle, comme Simon Ammann ou Laurence Rochat, mais l'exposition des sports nordiques est famélique chez nous», continue Quin. Ce dernier identifie aussi un autre problème: le manque de soutien public au sport: «En Suisse, sans le privé, certaines disciplines ne tiendraient pas. En France, par exemple, un biathlète sera douanier alors qu'il n'a jamais mis un uniforme de sa vie. Il n'y a pas de secret. Comme ça, tu peux t'entraîner tous les jours. Ces disciplines sont des sports de niche que les diffuseurs utilisent pour boucher des trous dans leur grille. Et à choix, en Suisse, on mettra toujours du ski alpin avant les autres.»
Le bobsleigh n'échappe pas à la règle et le manque (logique?) de suivi médiatique qui a sanctionné les résultats moins clinquants des équipages suisses a fait mal à la popularité de ce sport. «La pratique a également tendance à décliner», enchaîne Quin. Il n'y a guère plus qu'à St-Moritz en Suisse - à part une piste couverte pour les touristes à Schongau, dans le canton de Lucerne... - qu'on peut y courir et «la disponibilité des infrastructures s'ajoutent au problème. En prime, il faut une licence (comme un permis de conduire) pour avoir le droit de piloter un bob. Il n'y a jamais eu 20'000 pratiquants, sans doute entre 100 et 500 à une époque. Aujourd'hui, on est plutôt au niveau d'une vingtaine…»
C’est triste, mais c’est la dure réalité actuelle. Tant qu’un bobeur ne fait pas une danse sur TikTok…