AstronomieDes Genevois découvrent la plus légère des exoplanètes
Grâce à son spectrographe maison, l’Université de Genève a détecté une planète autour de Proxima du Centaure dont la masse n’est qu’un quart de celle de la Terre.
![Michel Pralong](https://media.lematin.ch/4/image/2024/01/11/ee8c66ba-d9f8-4545-a733-0ee9fe5534f2.png?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=crop&w=400&h=400&rect=0%2C19%2C1104%2C621&fp-x=0.5027173913043478&fp-y=0.41488020176544765&crop=focalpoint&s=4a5cf81557e60798f8117d477cb937c7)
![Une vue d’artiste montre Proxima d, la plus proche planète orbitant autour de la naine rouge Proxima du Centaure. Une vue d’artiste montre Proxima d, la plus proche planète orbitant autour de la naine rouge Proxima du Centaure.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/08/3acae6cb-c45f-415f-ac70-514e9261bceb.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C2048%2C1280&fp-x=0.3818359375&fp-y=0.5234375&s=be5c09be1e3320db506227bb80f220af)
Une vue d’artiste montre Proxima d, la plus proche planète orbitant autour de la naine rouge Proxima du Centaure.
ESO/L. CalçadaUne équipe internationale comprenant des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) a braqué son spectrographe dernier cri sur Proxima du Centaure, qui est l’étoile la plus proche de la Terre. Inventé par l’UNIGE, cet instrument répondant au nom d’ESPRESSO (Echelle Spectrograph for Rocky Exoplanet- and Stable Spectroscopic Observations, soit Spectrographe échelle pour l’observation de planètes rocheuses et des observations spectroscopiques stables) observe le mouvement d’une étoile. Si sa vitesse radiale change, cela peut être dû à la présence d’une planète. Ainsi, par exemple, la Terre cause une variation de la vitesse radiale du soleil de l’ordre de 9 cm/s. C’est le degré de précision que permet d’atteindre ce spectrographe, installé sur le Very Large Telescope de l’Observatoire européen austral (ESO), situé dans le désert d’Atacama au Chili.
En observant durant presque 100 nuits Proxima, qui n’est qu’à 4,2 années-lumière de la Terre, les astronomes ont confirmé la présence d’un signal très faible détecté pour la premières fois en 2020. Il semblait indiquer l’existence d’un objet céleste ayant une orbite de cinq jours autour de son étoile, mais cela pouvait aussi être un simple résultat de phénomènes physiques liés à l’étoile elle-même. Cette nouvelle observation a prouvé l’existence d’une troisième planète autour de Proxima. Les deux premières, Proxima b et Proxima c, avaient en effet été découvertes il y a quelques années avec un autre instrument construit lui aussi par les chercheurs genevois, le spectrographe HARPS.
Très proche de son soleil
Cette troisième planète, rocheuse et appelée logiquement Proxima d, bat un record: celui de la plus légère des exoplanètes (planètes en dehors de notre système solaire) jamais détectée. Sa masse n’est que d’un quart de celle de la Terre. Pourtant, elle influence davantage Proxima que la Terre ne le fait avec son soleil, puisqu’elle fait varier sa vitesse radiale de 50 cm/s. Pour deux raisons: parce qu’elle est très proche de l’étoile, environ à 4 millions de kilomètres, soit moins d’un dixième de la distance qui sépare Mercure de notre Soleil et qui en est la planète la plus proche. Et parce que Proxima est une naine rouge, bien plus petite que notre soleil.
Proxima d ne se situe pas dans ce que l’on appelle la zone habitable, où l’eau peut exister à la surface d’une planète, elle est bien trop près de son soleil autour duquel elle orbite en cinq jours seulement. Ce nouveau record de légèreté vient détrôner celui d’une autre planète, L 98-59 b, elle aussi détectée par des chercheurs de l’UNIGE avec ESPRESSO, il y a seulement quelques mois
«Cette découverte montre que notre voisine stellaire la plus proche semble regorger de nouveaux mondes intéressants, à portée d’étude et d’explorations futures», explique João Faria, chercheur à l’Instituto de Astrofísica e Ciências do Espaço, au Portugal, et auteur principal de l’étude, publiée dans «Astronomy & Astrophysics». Mais rien d’étonnant dans cette pluralité chez notre voisine; depuis la découverte de 51 Peg b par les deux Prix Nobel suisses Michel Mayor et Didier Queloz en 1995, les astronomes ont démontré que les planètes étaient communes dans notre Galaxie.
Découvrir une planète encore plus proche de Proxima est encore possible, ou une plus légère que Proxima d, mais plus éloignée. En revanche, il ne devrait pas y en avoir une plus grosse dans ce système, les instruments l’auraient détectée.
Un hommage au café
Pour le système planétaire de Proxima du Centaure, les chercheurs de l’UNIGE préparent déjà un nouvel instrument, RISTRETTO, qui leur permettra d’observer directement la lumière de l’étoile réfléchie par ses planètes. «Grâce à cet instrument, nous pourrons sonder l’éventuelle atmosphère de Proxima b afin d’y détecter la présence de molécules telles que la vapeur d’eau ou le méthane», se réjouit Christophe Lovis, professeur au Département d’astronomie de la Faculté des sciences de l’UNIGE, coauteur de l’étude sur Proxima et principal investigateur de ce nouvel instrument genevois. RISTRETTO permettra d’ouvrir la voie à l’instrument HIRES (high resolution spectrograph) qui sera monté sur le télescope géant européen de 39 mètres, l’ELT.
Pourquoi ces noms d’appareils font-ils référence au café? «Parce que nous en buvons beaucoup lors de nos nuits d’observation au Chili», sourit Christophe Lovis. RISTRETTO (high-Resolution Integral-field Spectrograph for the Tomography of Resolved Exoplanets Through Timely Observations) a été nommé ainsi parce qu’il est plus petit qu’ESPRESSO. «Il s’agit d’une nouvelle technologie où, pour la première fois, nous allons coupler à un spectrographe un dispositif d’optique adaptative qui permet de supprimer les turbulences atmosphériques», turbulences qui peuvent brouiller le signal et faire croire à une exoplanète quand ce n’est pas le cas.