Football: Analyse: Lugano est-il vraiment une équipe défensive?

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FootballAnalyse: Lugano est-il vraiment une équipe défensive?

La finale de la Coupe de Suisse contre Saint-Gall dimanche semble annoncer une opposition de style. Mais les Tessinois souffrent d’un certain stéréotype.

Valentin Schnorhk
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Valentin Schnorhk

Un préjugé n’est jamais tout à fait gratuit et innocent. Il ne sort pas de nulle part. Mais il peut vous coller à la peau, même lorsque les faits l’ont dépassé. Dans le lexique du football suisse, il n’est pas rare d’associer Lugano à «équipe solide», «difficile à manipuler», pour ne pas lui arroger le terme de «défensive». Un lien peut-être avec la proximité de l’Italie et de tous les clichés qui sont propres à son football. Entre autres.

Mattia Croci-Torti a quelque peu changé l’identité de Lugano depuis sa nomination comme entraîneur en septembre dernier.

Mattia Croci-Torti a quelque peu changé l’identité de Lugano depuis sa nomination comme entraîneur en septembre dernier.

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Il y a donc peut-être quelque chose qui tient de l’opposition de style en vue de la finale de la Coupe de Suisse de dimanche prochain. Vrai. Le Saint-Gall de Peter Zeidler, typé très «Red Bull», obsédé par l’intensité avec et sans ballon, avec un football très direct, n’a pas beaucoup de points communs avec le Lugano de Mattia Croci-Torti. Mais les approches sont-elles fondamentalement antagonistes? Les Tessinois sont-ils véritablement l’incarnation de leurs stéréotypes? Lugano est-il vraiment défensif? Tentatives de réponse.


«Défensif», définition

Qu’est-ce qu’une équipe défensive? Le cœur du débat tient en cette question. Plusieurs pistes de réponses sont à suivre: le système utilisé, le profil des joueurs alignés, le plan de jeu avec et sans ballon. Notamment. Et encore, la nuance peut s’insérer partout. Même si, dans la conscience collective, le fait de proposer un bloc bas, voire très bas, et très peu de projection à la récupération du ballon correspond bien à la définition. Le refus de la possession peut aussi être un élément. De quoi fixer un cadre.

Commençons par la possession. Lugano est dans le ventre mou. Avec 49,3% du temps en moyenne, il affiche le sixième score de Super League. Mieux que Servette, Zurich, Lausanne et Sion. Il y a pire. Mais c’est plus dans la production offensive que les indicateurs sont un peu moins favorables. Par exemple, avec 11,13 tirs par période de 90 minutes, les Tessinois sont sous la moyenne du championnat (12,33) et septièmes de ce classement (GC, Lausanne et Sion font moins bien). En ce qui concerne les Expected Goals, GC leur passe même légèrement devant.

À l’inverse, Lugano concède très peu à ses adversaires. Ce qui renforce l’identité qu’on lui a arrogé: avec 46,09 xG accordés, il est la deuxième meilleure formation suisse, avec seulement Young Boys qui soit moins perméable. La marque est à relever, parce que des équipes comme Servette et Saint-Gall ont subi plus de tirs. Mais Lugano semble particulièrement efficace lorsqu’il s’agit de n’accorder que des «mauvaises» positions de frappe. En effet, un tir concédé par Lugano a seulement 10,9% de chances de se terminer en but. Seul Zurich annihile plus ses adversaires.

Le portrait-robot tracé est effectivement celui d’une équipe plus portée sur la défensive. Il ne s’agit donc pas de le nier complètement. Même s’il y a un mieux. La comparaison avec l’ère Jaccobacci est en effet plutôt flatteuse pour Croci-Torti. En fait, cette saison, Lugano fait mieux partout. La progression semble évidente: les Bianconeri se créent plus d’opportunités, ont plus le ballon, le récupèrent plus haut sur le terrain et ont même tendance à être un peu plus friables défensivement. Il y a donc eu un certain changement d’identité depuis que «MCT» a été nommé en septembre.

Une certaine ambition

L’évolution est prégnante. Notamment, avec la balle. Sur action placée, Lugano est prêt à prendre certains risques qui ne sont pas ceux d’une équipe dépourvue d’ambitions. En clair, les Tessinois sont des adeptes des sorties de balle courtes, avec différentes portes de sortie. Lors de leur victoire 3-1 contre YB samedi, ils ont par exemple ciblé les côtés pour éliminer le pressing bernois. Cela leur a plus d’une fois permis d’avancer sur la largeur, par exemple. D’autres fois, c’est par des mouvements à l’intérieur que Lugano a trouvés des solutions, même face à des pressings intenses.

Aussi, Lugano a progressé en possession haute. Ses joueurs touchent par exemple trois ballons de plus dans la surface adverse cette saison que la précédente. Signe d’une certaine patience et une capacité à s’installer dans le camp adverse. Le replacement de Sandi Lovric en meneur de jeu reculé s’inscrit aussi dans cette idée, vu les qualités techniques et de contrôle du futur joueur de l’Udinese.

Et puis, tant contre YB que lors des précédentes sorties, Croci-Torti a toujours cherché à aligner des joueurs (Sabbatini, Bottani, Custodio ou encore Lavanchy) qui soient capables de se placer entre les lignes adverses. Cela permet de maintenir une certaine structure et de trouver des lignes de passes dans le bloc qui lui est opposé.

Un pragmatisme rassurant

L’ambition ne se limite pas aux séquences avec ballon. En phase défensive aussi, Lugano se permet des moments avec plus d’audace. En pratiquant même un pressing parfois intense. D’ailleurs, là aussi, l’indicateur dédié (le PPDA, pour «passes accordées à l’adversaire dans sa moitié de terrain par action défensive effectue») révèle un progrès remarqué. Il n’est pas rare ainsi de voir Lugano déclencher ses moments de pression dès la relance adverse.

Même si l’effectif bianconeri présente moins de garanties pour défendre de grands espaces. Ainsi, le capitaine Mijat Maric fait ses 38 ans et a souvent besoin de rester relativement bas pour conserver un certain confort. Jonathan Sabbatini et ses 34 ans ne peuvent pas non plus passer le match à agresser ses vis-à-vis. En clair, il est difficile pour Mattia Croci-Torti de demander à ses joueurs de répéter les courses durant 90 minutes. Ses schémas s’adaptent donc au contexte. Mais il se permet certaines idées.

Ainsi, contre Young Boys samedi, l’idée d’aligner Numa Lavanchy au milieu de terrain a été probante pour mettre en difficulté les Bernois. En effet, le Vaudois a été utilisé pour bloquer les demi-espaces dans lesquels aiment habituellement se positionner les ailiers d’YB. Qui ont donc été peu touchés dans leur zone de prédilection.

En fin de match, Lugano a accepté de subir et d’opposer un bloc bas. Dans le 4-5-1, les milieux excentrés ont pour mission de suivre les latéraux adverses, comme ici avec Haile-Selassie qui descend à hauteur de Blum.

En fin de match, Lugano a accepté de subir et d’opposer un bloc bas. Dans le 4-5-1, les milieux excentrés ont pour mission de suivre les latéraux adverses, comme ici avec Haile-Selassie qui descend à hauteur de Blum.

Parce que Lugano reste Lugano, il garde un certain pragmatisme. Celui qui lui permet de varier systèmes et approches entre les rencontres, et même au cours d’un même match. Ainsi, contre YB, «Luga» a terminé très la rencontre avec un bloc très bas, avec pour objectif pour les ailiers de suivre de près les latéraux adverses. Quitte à proposer une ligne de six devant sa propre surface. Le chemin à suivre pour remporter ces trois points. Reste à déterminer quelle approche Mattia Croci-Torti privilégiera dimanche. 

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