FootballUne idée pour ne plus être dégoûté par les hors-jeu
L’application actuelle de la règle du hors-jeu ne semble satisfaire personne, vu qu’elle débouche sur des buts annulés pour de pauvres centimètres. Pourtant, une meilleure solution existe.
![La règle du hors-jeu, dans son application actuelle, ne semble satisfaire personne. La règle du hors-jeu, dans son application actuelle, ne semble satisfaire personne.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/02/4abd1bab-4efb-4432-9f97-c1555639e343.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C2048%2C1363&fp-x=0.5&fp-y=0.5003668378576669&s=70266f768cf19385efd90f228386c4b9)
La règle du hors-jeu, dans son application actuelle, ne semble satisfaire personne.
IMAGO/ShutterstockUne capture d’écran relayée par plusieurs comptes influents sur les réseaux sociaux a ravivé le débat sur la façon de mesurer le hors-jeu. L’information selon laquelle à l’avenir, le corps entier de l’attaquant devra être devant le défenseur pour que le hors-jeu soit déclaré, a beau ne pas avoir encore été officialisée par les instances, constituerait-elle une réforme viable de la règle 11 du football? Pour répondre à cette question, le mieux est d’abord d’examiner les différentes possibilités sur la table.
Maintenir le statu quo
Maintenir le statu quo signifierait déterminer si un attaquant est hors-jeu ou pas de façon semi-automatique, quand la technologie est disponible, c’est-à-dire dans les très grandes compétitions uniquement (il faut une douzaine de caméras pour s’astreindre à cette tâche). Là où le hors-jeu semi-automatique ne pourrait être implémenté, les révisions continueraient à se faire par le biais de la VAR.
Cela signifierait aussi continuer à ce que des joueurs soient jugés hors-jeu pour un malheureux centimètre, allant ainsi complètement à l’encontre de l’esprit de la règle, qui on le rappelle, visait initialement à éviter que les joueurs ne «campent» grossièrement devant les buts adverses.
Deuxième problème, en l’absence de hors-jeu semi-automatique, la difficulté à sélectionner la bonne image, la bonne «frame» – celle qui correspond au moment exact où le ballon quitte le pied du passeur – afin de statuer de façon exacte sur la position d’un joueur, demeure.
![Le hors-jeu détecté de façon semi-automatisé a l’avantage d’être objectif, mais l’inconvénient de contrevenir à l’esprit de la règle. Le hors-jeu détecté de façon semi-automatisé a l’avantage d’être objectif, mais l’inconvénient de contrevenir à l’esprit de la règle.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/02/51392e43-0ec6-4b3d-95c6-66dd2afaec51.png?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C1913%2C1056&fp-x=0.5002613695765813&fp-y=0.5&s=f9cdfb3a3d768b23772395c9f5b1fa5d)
Le hors-jeu détecté de façon semi-automatisé a l’avantage d’être objectif, mais l’inconvénient de contrevenir à l’esprit de la règle.
Introduire une marge de tolérance
Plutôt que de jouer les apprentis géomètres en tirant des lignes dans tous les sens et en sortant son ruban à mesurer, si on adoptait une marge de tolérance? Le but, ne pas devoir statuer sur la position d’un joueur au centimètre près.
Les championnats danois et néerlandais ont déjà adopté ce mode opératoire. Une ligne rouge de 10 pixels – soit cinq centimètres - marque la position du défenseur, une ligne bleue de la même épaisseur marque celle de l’attaquant. Si les deux lignes se superposent, on considère qu’il n’y a pas matière à intervenir pour une erreur claire et manifeste, et la décision initiale de l’arbitre central prévaut.
Séduisante sur le papier, cette idée soulève toutefois une autre question: comment définir l’épaisseur des lignes? En quoi des lignes de cinq centimètres seraient plus justes que des lignes de 10 centimètres? Il suffit que le sort d’un match diffusé en mondovision soit décidé par le fait qu’un attaquant soit un centimètre plus avancé que ce que fixe la marge de tolérance pour que le débat sur la définition d’une telle marge soit relancé…
Prendre en compte l’entier du corps de l’attaquant
Prendre en compte l’entier du corps de l’attaquant semble être la dernière idée en vogue: pour qu’il y ait hors-jeu, le corps tout entier de l’attaquant doit être devant celui du défenseur. Cette solution déjà rebaptisée «loi Wenger» permettrait de reléguer les hors-jeu d’une épaule ou d’un front aux oubliettes. Seulement, elle inverse complètement le problème.
Là où aujourd’hui on se bat pour savoir si ne serait-ce qu’une partie infime du corps de l’attaque est située plus en avant que le corps du défenseur, demain on se battra pour savoir si ne serait-ce qu’une partie infime du corps du défenseur est située plus en arrière que le corps de l’attaquant. La règle actuelle pénalise l’attaque, le changement de règle envisagé pénalise la défense. Il suffirait que le talon d’un défenseur soit un centimètre trop reculé pour qu’un attaquant soit en jeu. Retour à la dictature du millimètre.
Par ailleurs, cela changerait complètement le métier des défenseurs. Actuellement, ils déploient un grand effort pour faire juste le petit pas subtil, au dernier moment si possible, qui rend leur vis-à-vis hors-jeu. Si la modification en question venait à être introduite, ce n’est plus un petit pas en avant qu’il faudrait faire, mais un bond, afin de s’assurer que l’entier du corps de l’attaquant est bien derrière soi. Un véritable gageur pour les arrières.
Supprimer le hors-jeu
Ces débats sont absolument exaspérants, alors pourquoi ne pas s’en affranchir en supprimant purement et simplement la règle du hors-jeu? Marco Van Basten serait partant, par exemple. «Je suis convaincu que ce n’est pas une bonne règle et que le football irait mieux sans elle», défend le triple Ballon d’Or.
C’est oublier les conséquences incommensurables qu’un pareil changement aurait sur le jeu. À un niveau amateur, cela peut donner quelques vidéos sympathiques disponibles sur YouTube (et un mode de jeu où l’on peut éprouver un plaisir coupable sur FIFA) , mais à un niveau professionnel, les équipes seraient obligées de procéder à des ajustements qui dénatureraient le jeu entier.
![Marco Van Basten, pas un très grand fan de la règle 11 du football. Marco Van Basten, pas un très grand fan de la règle 11 du football.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/02/b413dee6-f5fa-4dab-9de7-5f440b982b6b.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C2048%2C1365&fp-x=0.5&fp-y=0.5003663003663004&s=667459568da5d0f740f95173edca2682)
Marco Van Basten, pas un très grand fan de la règle 11 du football.
imago images/Pro ShotsVoulant à tout prix ne jamais laisser du monde dans leur dos, les défenses n’auraient pas d’autres choix que de reculer massivement, jusqu’à atteindre leurs 16 mètres. À cet argument, Van Basten y a déjà pensé: «si vous reculez trop, alors la surface de réparation va devenir une mêlée et le gardien ne sera en mesure de rien voir du tout. Donc les équipes sauront que ce n’est pas la solution», argumente l’auteur du but du siècle.
Certes, afin de rester les maîtres de leur propre surface, les gardiens pourront bien ordonner à leur défense de remonter un peu, mais pas de 40 mètres. Les arrière-gardes, dans le meilleur des cas, flirteront avec l’arrondi de la surface. Désire-t-on vraiment un football où toutes les équipes défendent bas? Un football où le pressing n’a plus aucun intérêt?
Revenir 20 ans en arrière
Une dernière solution, consisterait à ne plus faire du hors-jeu une question d’État. Pour comprendre cette posture, un petit retour en arrière de 20 ans est nécessaire… Quiconque se pose devant un match des années 2000 sera surpris par une absence en particulier: celles des ralentis.
Les actions sur lesquelles l’arbitre prend une décision discutable, par exemple en attribuant un pénalty douteux, ne sont pas rediffusées cinq fois au ralenti. Même chose pour les situations ténues concernant les hors-jeu. Les commentateurs s’interrogent une fois, constatent l’erreur le cas échéant, mais passent rapidement à autre chose après avoir visionné le seul ralenti que la réalisation propose. Parfois, même, aucune répétition n’est offerte aux téléspectateurs.
De nos jours, les productions dernier cri ont changé la donne. Les progrès technologiques ont permis de démultiplier les ralentis et les arrêts sur image, repris dans la foulée sur des réseaux sociaux qui n’attendent que de s’embraser. Cela a contribué à faire du hors-jeu et des erreurs marginales, un sujet incontournable… qui ne va pourtant pas de soi.
![Le soulèvement de ce drapeau, source de tant de frustrations et de confusion pour les fans de football. Le soulèvement de ce drapeau, source de tant de frustrations et de confusion pour les fans de football.](https://media.lematin.ch/4/image/2023/11/02/0cf3d645-e725-429d-8d45-80b032d2ba6a.jpeg?auto=format%2Ccompress%2Cenhance&fit=max&w=1200&h=1200&rect=0%2C0%2C2048%2C1365&fp-x=0.5&fp-y=0.5003663003663004&s=0c4815c5d7c02c9bd5d0b7ee5ce1cabb)
Le soulèvement de ce drapeau, source de tant de frustrations et de confusion pour les fans de football.
IMAGO/Kirchner-MediaCar le bien-fondé de s’offusquer pour un hors-jeu pour des questions de centimètres n’a pas le moindre sens dès lors que sur le terrain, aucun défenseur n’est capable de négocier le placement de son corps au centimètre près. La proprioception a des limites. Par ailleurs, les arbitres insistants sont tout aussi impuissants à l’heure de déceler avec une absolue certitude les infractions avec pareille précision.
Ainsi une solution serait d’arbitrer le hors-jeu en tenant compte du comportement des défenseurs. Quand un défenseur souhaite sortir un attaquant du jeu, il ne peut se fier qu’à ses sens. Pour juger les hors-jeu, faisons alors confiance à nos sens, plutôt qu’à des outils de laboratoire, bien plus précis que la précision pouvant être atteinte par les joueurs dans leur placement.
«Nos sens sont incapables de déceler si Embolo devance d’un rien Upamecano? Aucune importance»
Nos sens sont incapables de déceler si Embolo devance d’un rien Upamecano? Aucune importance; sur le terrain, Embolo en est également incapable. Tout ce qui compte – l’esprit de la règle le veut ainsi – c’est qu’Embolo n’ait pas un train d’avance évident sur Upamecano. Le reste, ce sont des calculs d’épicier.
Comment appliquer cette façon de faire? Un exemple: un but est marqué pour lequel il y a des soupçons de hors-jeu, la VAR le révise, et s’il est impossible à l’œil nu de déterminer avec certitude la position trop avancée de l’attaquant au premier coup d’œil, la décision de l’arbitre central est validée.
De la sorte, le football redeviendrait un peu plus humain. Cela supposerait toutefois un véritable changement de perspective chez tous les acteurs de ce sport. Et un monde du football souvent très conservateur, c’est peut-être le plus dur…