FootballÀ Doha, rien ne doit éclabousser le tirage au sort du Mondial
Avec la cérémonie de vendredi, le Qatar compte tourner la page de plus d’une décennie d’affaires et de suspicions. Pour ne pas brouiller le message, tous les projets qui divisent la grande famille du football ont été mis en veilleuse.


Entre l’Emir du Qatar, le cheikh Tamim bin Hamad Al-Thani (à gauche) et le président de la FIFA, Gianni Infantino, c’est l’union sacrée à l’approche de la Coupe du monde
AFPCette fois, c’est vraiment parti. Et rien ne doit ternir ce coup d’envoi. Vendredi 1er avril, la FIFA et le Qatar vont tirer au sort les groupes de la Coupe du monde qui débutera le 21 novembre. Un événement en mondiovision qui submergera aussi la toile. Pour le Qatar, c’est une aubaine à ne pas rater. L’occasion de porter l’attention sur autre chose que les droits humains, les dépenses excessives estimées à 200 milliards de dollars ou la chaleur, qui ne cessent - à raison - de ternir une réputation que les dignitaires de l’Émirat souhaiteraient aussi immaculée que ses thobes, leur habit blanc traditionnel.
Pour parvenir à leurs fins, les organisateurs peuvent compter sur la FIFA. Le mot d’ordre cette semaine à Doha, c’est «pas de vague». Ainsi, mercredi, Gianni Infantino, son président, a joué les avocats d’un État dans lequel il passe désormais la majeure partie de son temps. «Bien sûr, ce n’est pas le paradis. Bien sûr, ce n’est pas parfait. Bien sûr, il y a encore du travail à faire, mais nous devons rester là. Nous devons continuer. Nous devons travailler ensemble. Nous devons encourager le changement, a-t-il déclaré à l’agence de presse AP en insistant sur le fait que la législation du pays avait déjà évolué, notamment en ce qui concerne les conditions des travailleurs expatriés. Avant de poursuivre dans le registre de l’inclusion: «Tout le monde verra que chacun est le bienvenu ici au Qatar, même si nous parlons de LGBTQ+. (…) J’espère vraiment que tous ceux qui veulent critiquer regarderont les faits avant de le faire.»
La route sinueuse du Qatar vers le Mondial
La thèse, apaisante, à toutes les chances de se répandre comme une traînée de poudre tout autour du monde. D’ailleurs, elle semble déjà faire son chemin dans les esprits des pensionnaires des palaces de West Bay, le cœur de Doha. Il faut dire que les gratte-ciel en verre, les petits-déjeuners au 45e étage avec vue sur la baie turquoise et les programmes luxueusement chargés n’incitent pas à la critique.
Éviter les sujets qui fâchent
Cette volonté d’éviter toute mauvaise «vibe» avant le tirage au sort se reflète également dans l’ordre du jour du 72e Congrès de l’instance qui se tient ce jeudi au Centre de conventions et d’expositions de la capitale. Sauf surprise liée à la guerre en Ukraine et à l’exclusion de la Russie, les délégations nationales vont jouer leur rôle de caisses enregistreuses. Pourquoi se gêner à un moment où la FIFA aligne les nouveaux sponsors et est en avance sur son plan de recettes quadriennal?
Un temps envisagé au menu de l’assemblée, le projet de Coupe du monde tous les deux ans, porté haut et fort par Gianni Infantino et Arsène Wenger, son directeur du développement, brille par son absence. Oubliée l’idée qui devait quadrupler les versements de solidarité (de 6 à 25 millions de dollars) aux fédérations nationales, mais qui a divisé le football mondial comme rarement ces derniers mois? Oui, si l’on en croit les déclarations péremptoires d’Alexander Ceferin, président de l’UEFA au début du mois de mars. Oui également, si l’on accepte de faire confiance à Nasser Al Khaleifi, le régional de l’étape, président de l’Association européenne des clubs, du Paris St-Germain et grand artisan de la venue du Mondial 2022 dans son pays: «Pour nous, ce n’est pas une idée, donc il est inutile d’en discuter. Ça n’existe pas.»
Reste que la parole des dirigeants du football n’est pas d’or et que si le projet initial a du plomb dans l’aile, selon la stratégie de Gianni Infantino qui n’hésite jamais à aller loin quand il s’agit de potentiellement monétiser le football, il en reste toujours quelque chose. Ce n’est pas un hasard si l’on se creuse les méninges dans les salons du Ritz-Carlton, du Sheraton ou St Regis pour élaborer des projets alternatifs, à l’instar d’une version transatlantique de la Ligue des nations lancée par l’UEFA.
Tournoi interne
Quoi qu’il en soit, le Congrès ne devrait pas s’éterniser. Car jeudi, il y a plus croustillant: le 4e tournoi des délégations, pour lequel les différentes équipes de la grande famille du football - une pour la FIFA, une par Confédérations, …) sont renforcées par les «FIFA Legends», le groupe de stars créé par Gianni Infantino juste après son accession à la présidence.
La «compétition» se déroulera au Centre de Sport Aspire, temple de 250 hectares dédié à la performance sportive de pointe. Mais aussi l’une des pierres angulaires de la politique diplomatique par le sport lancée par le Qatar il y a une vingtaine d’années, régulièrement apparue dans les affaires sombres du football. Comme s’il s’agissait de tourner la page à l’aide d’une catharsis qui n’a jamais si bien porté son nom.