Commande à 6 milliards annuléeEntre Airbus et Qatar Airways, c’est l’escalade
La guerre des nerfs qui oppose le constructeur européen à la compagnie aérienne connaît un nouvel épisode spectaculaire et inédit.
Décision spectaculaire dans l’industrie aéronautique: Airbus a annulé une commande de plusieurs milliards de dollars de Qatar Airways. Ce nouvel épisode traduit une escalade entre l’avionneur européen et l’un de ses plus gros clients, qui lui reproche des défauts sur ses A350. La compagnie qatarie a cloué au sol une partie de sa flotte de gros porteurs A350 en raison d’une dégradation de la surface des fuselages et poursuit Airbus en justice pour obtenir réparation. Ce dernier a répliqué en frappant fort.
«Nous confirmons avoir résilié le contrat portant sur 50 A321 avec Qatar Airways, conformément à notre droit», a affirmé un porte-parole d’Airbus. Généralement, les annulations de commandes sont le fait des compagnies clientes, quand elles n’ont plus les moyens de financer l’achat ou n’ont plus besoin des avions. Au prix catalogue, pour la dernière fois publié par Airbus en 2018 et quasiment jamais appliqué en raison de rabais, la valeur de cette commande s’élevait à plus de 6 milliards de dollars.
Pas de conséquences sur la sécurité en vol
Cette acrimonie entre l’avionneur et la compagnie remonte à l’été dernier. Début août, Qatar Airways annonce avoir reçu l’ordre du régulateur de son pays de maintenir au sol treize de ses Airbus A350 en raison de la dégradation rapide des surfaces des fuselages. Actuellement, ce sont 21 de ces long-courriers qui sont immobilisés, selon la compagnie dont la flotte compte 53 A350. Elle doit encore en recevoir 23 exemplaires et a refusé plusieurs livraisons depuis l’été dernier.
Pour Airbus, qui reconnaît une dégradation de la peinture, cette situation n’a pas de conséquences sur la sécurité en vol. L’agence européenne de la sécurité aérienne, l’AESA, a confirmé que ces dégradations n’entraînaient pas de risques de navigabilité.
Une indemnisation de 618 millions de dollars
Si ce défaut a été constaté sur certains appareils d’autres compagnies, Qatar Airways est la seule à les interdire de vol. Dénonçant une «menace sur les protocoles internationaux de sécurité» aérienne, l’avionneur européen s’est dit prêt en décembre, à recourir à un arbitrage indépendant. Qatar Airways a préféré porter l’affaire devant la justice britannique. Lors d’une audience, jeudi, devant la Haute cour de justice de Londres, chaque partie a présenté ses éléments.
Qatar Airways a réclamé une indemnisation de 618 millions de dollars, assortie d’une pénalité de 4 millions par jour supplémentaire d’immobilisation de ses A350. Airbus a de son côté fait valoir une clause de défaut à propos du refus de prendre livraison d’A350 supplémentaires pour justifier de l’annulation de la commande d’A321neo.
Ce monocouloir, dont la capacité d’emport de passagers et de rayon d’action n’a pas d’équivalent chez le concurrent américain Boeing, est au cœur de la stratégie d’Airbus et de son succès commercial: l’A321neo a représenté à lui seul en 2021 trois quarts des commandes passées à l’avionneur européen. Et avec près de 3400 A321 à livrer, Airbus dispose de plusieurs années de production devant lui.
Une nouvelle audience est prévue dans la semaine du 26 avril.