NatureL’isolement social pèse aussi chez les fourmis
Des chercheurs de l’Uni de Lausanne ont découvert que, privées de contacts, les insectes deviennent hyperactifs et dépérissent. Un antioxydant améliore leur état.
- par
- Comm/M.P.
Chez de nombreuses espèces vivant en société, y compris l’espèce humaine, l’absence de relations sociales affecte la santé, modifie les comportements et, in fine, réduit l’espérance de vie. Il reste à expliquer pourquoi, ce qui est difficile, car la plupart des animaux sociaux ont une longue durée de vie et se prêtent donc mal à l’expérimentation.
Ce n’est pas le cas des fourmis qui vivent dans des sociétés complexes, et chez lesquelles les ouvrières ne vivent qu’environ un an. Elles constituent donc d’excellents modèles pour étudier l’effet de l’isolement sur le vieillissement et la longévité.
Elles se collent au mur
Akiko Koto, (qui était alors postdoctorante au Département d’écologie et d’évolution de l’Université de Lausanne) et ses collègues, sous la direction de Laurent Keller, ex-professeur dans ce département, ont entrepris d’étudier une espèce de grandes fourmis, les Camponotus fellah. Comme ils l’expliquent dans un article publié dans «Nature Communications», ils ont constaté que l’isolement social modifie leur comportement: elles deviennent hyperactives et ont tendance à rester plus souvent que les autres près des murs de leurs boîtes. En outre, cet isolement réduit leur espérance de vie. Pour Laurent Keller, cette hyperactivité chez les fourmis pourrait être liée au fait qu’elles essayent désespérément de retrouver leurs congénères.
Les chercheurs ont aussi compris l’origine de ces changements. Ils ont montré que l’isolement accroît l’expression de gènes impliqués dans les réactions d’oxydoréduction. Cela conduit à une accumulation de dérivés réactifs de l’oxygène (donc à un stress oxydatif, dont on sait qu’il accélère le vieillissement) dans la masse graisseuse et les oenocytes (équivalents, chez les insectes, des cellules du foie). En administrant des antioxydants aux fourmis isolées, les chercheurs ont pu inverser le processus délétère.
Chez les mammifères et donc chez l’humain, l’isolement social entraîne également un stress avec une augmentation du taux de cortisol, l’hormone du stress. Il y a aussi d’autres conséquences comme une altération des fonctions cérébrales, des troubles psychologiques comme l’anxiété et la dépression ainsi que des inflammations chroniques qui rendent les gens plus vulnérables aux maladies infectieuses. «On pourrait facilement imaginer que l’administration d’antioxydants pourrait avoir des effets positifs pour des humains souffrant d’isolement social, explique Laurent Keller. Mais il faudrait faire une étude pour le tester».