FranceSalarié à Marseille, il cultivait en réalité du cannabis en Espagne
Ses supérieurs hiérarchiques couvraient ses absences et ont été condamnés à 2000 euros d’amende chacun. Rien n’indique qu’ils aient été forcés à le faire.
Officiellement, Rachid Ziani travaillait au Service d’assainissement Marseille Métropole. Dans les faits, il cultivait du cannabis et gérait une discothèque en Espagne. Lundi, les deux supérieurs hiérarchiques qui couvraient ses absences ont été condamnés pour faux par le tribunal correctionnel de Marseille. Les deux cadres se sont vu infliger une amende de 2000 euros.
Rachid Ziani, 60 ans, électromécanicien entré en 1986 au SERAMM (groupe Suez), a pour sa part été condamné à six mois d’emprisonnement ferme pour recel de faux ainsi qu’à verser 9000 euros de dommages et intérêts à son ancien employeur. Condamné à douze ans de prison en juillet 2018, pour avoir fourni en cannabis un important point de vente d’une cité marseillaise, il est déjà derrière les barreaux. D’où un mandat de dépôt différé pour cette nouvelle peine.
31 jours d’absence sur 36
C’est l’enquête sur ce dossier qui avait révélé que Rachid Ziani était pointé présent sur son lieu de travail, à Marseille, alors même qu’il se trouvait à plus de 400 km. En invalidité, il était en mi-temps thérapeutique avec un salaire net de 800 euros par mois et n’avait pas le droit de conduire. Durant l’enquête, son chef d’équipe avait confirmé qu’il «zappait totalement» cet employé et «ne comptait pas sur lui pour que le travail soit fait en atelier». Mais rien n’a permis de démontrer une quelconque menace ou rétribution pour forcer la main à ses supérieurs.
Sur une période de 36 jours de travail supposé, entre janvier et mai 2016, M. Ziani avait été absent 31 jours alors qu’il était noté présent. Les interceptions téléphoniques et le bornage de son téléphone démontraient qu’il se trouvait bien en Espagne. «Pour moi, l’informatique c’est du chinois», avait justifié l’adjoint à son chef d’équipe: «Réparer une pompe électrique ou n’importe quoi, oui, mais l’informatique...»
«Ils ont laissé leur santé au service de la Ville de Marseille»
Après avoir tenté d’expliquer qu’il partait en pleine nuit d’Espagne pour prendre son poste à 06H30 à Marseille, Rachid Ziani avait reconnu devant les enquêteurs «ne pas avoir fourni le travail en équivalence avec (s)on salaire».
Tous deux en fin de carrière, le chef d’équipe et son adjoint étaient initialement poursuivis pour détournement de fonds publics. Des faits pour lesquels l’accusation avait réclamé huit mois d’emprisonnement avec sursis et 2000 euros d’amende. Mais ils ont été relaxés de cette infraction, n’étant pas détenteurs de fonds publics, a précisé la présidente du tribunal Azanie Julien-Rama. «Le fait de ne pas indiquer les absences de Rachid Ziani sur le logiciel constitue un faux», a-t-elle précisé.
Ces deux cadres, «chargés de contrôler la quinzaine de salariés sous leurs ordres, n’ont jamais fait la moindre remontée d’information pour mettre fin au versement d’un salaire sans aucune contrepartie de travail», a dénoncé la procureure Emilie Almero dans son réquisitoire. Entendu en visioconférence de son lieu de détention, M. Ziani s’est dit «choqué de voir (ses) deux chefs devant un tribunal, alors qu’ils ont travaillé toute leur vie dans les égouts et laissé leur santé au service de la Ville de Marseille».
Me Caroline Kazanchi, avocate du chef d’équipe, a regretté, après le délibéré, que l’on fasse «payer des lampistes»: «Ils ont été mis en cause uniquement pour atteindre Ziani, et permettre au SERAMM de sortir de cette histoire la tête haute».